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CRITIQUES DE CONCERTS 27 juillet 2024

Première à l’Opéra des Flandres d’Anvers de Tannhäuser de Wagner dans la mise en scène de Calixto Bieito, sous la direction de Dmitri Jurowski.

Tannhäuser au Paradis
© Annemie Augustijns

Passionnant du début à la fin tant sur le plan scénique que musical, l’Opéra des Flandres clôt triomphalement à Anvers sa production de Tannhäuser étrennée à Gand. Calixto Bieito prend à revers le livret pour questionner les notions de bien et de mal, en regard du monde réel et de la religion, dans une production transcendée par la distribution.
 

Opéra des Flandres, Anvers
Le 17/10/2015
Vincent GUILLEMIN
 



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  • Des deux versions de Tannhäuser, le programme précise qu’a été choisi le premier acte de Paris et les deux suivants de Dresde ; résumé certainement trop sommaire puisque si l’on semble bien intégralement dans la version parisienne au I (1861), il faut comprendre par le retour sur scène de Venus au III qu’il s’agit ensuite de la version remaniée de Dresde (1848), et non de celle de la création de 1845.

    De ces choix toutefois très cohérents, Calixto Bieito tire une lecture d’une rare intelligence sur laquelle il appose son génie. Ainsi, au lieu de l’habituelle dualité bien-mal du monde chrétien-Venusberg, l’Espagnol pose des questions immanentes au livret et à ses zones d’ombre, prenant au passage totalement à contrepied les spectateurs les plus avertis sur l’œuvre et l’artiste, dans une vision où la rédemption n’est plus dans la religion grâce à Elisabeth, mais dans le Paradis de Vénus.

    Pendant la Bacchanale, cette dernière s’affole au milieu d’un sublime ballet de branches suspendues au-dessus du plateau noir et nu. Les orgies ne sont plus infectes mais liées aux plaisirs du Paradis biblique, symbolisé par la nature. Tannhäuser et Vénus s’y adonnent aux bienfaits de la vie tels Adam et Ève, avant que le Landgraf et ses sbires n’apparaissent pour projeter Tannhäuser dans le monde terrestre, au travers d’une naissance représentée par du sang enduit sur le torse nu de l’anti-héros.

    Au II, un décor rigide de poutres droites symbolise le nouveau monde, créé par une superbe explosion de lumière relative à la Création. De ce décor froid et neutre sort un chœur en tenue d’apparat, prêt à assister à une réception qui tournera à la décadence, à l’instar des visages des protagonistes : tous sont bafoués de rouge à lèvres, rappelant les fêtes des peintures maladives de James Ensor.

    Le III ouvre sur un magnifique décor, mélange des poutres du II et des branches du I, la nature ayant repris ses droits sur la civilisation, à l’image du tableau les Ruines d’Eldena de Caspar David Friedrich. Au final, Tannhäuser ne meurt pas mais frappe violemment une poutre du monde dont il ne peut plus s’échapper, désabusé et profondément meurtri d’avoir été suivi dans son idéal par une population zombifiée, laissant ouverte la question de l’artiste et de son besoin ou non d’être compris.

    De cet univers magique ressort le Tannhäuser hallucinant d’Andreas Schager, qui prouve à Anvers que sa voix est déjà trop puissante pour ce type de salle. S’il parvient à ne pas s’abîmer, difficile de ne pas voir en lui le grand ténor wagnérien des cinq ou dix prochaines années (il est déjà programmé en Siegfried à Berlin et Bayreuth), car même dans cette partition si complexe, tout lui semble d’une facilité déconcertante : pas une note escamotée, un timbre légèrement nasalisé sans aucune aigreur et une vaillance à couper le souffle.

    Il forme un magnifique duo avec l’Elisabeth puissante de Liene Kinča, mais couvre malheureusement la magnifique Vénus d’Ausrine Stundyte, magnétique de présence scénique et d’engagement vocal. Hormis le Landgraf aux graves chauds d’Ante Jerkunica, le reste du cast est légèrement plus faible, bien que Wolfram soit bien défendu par Daniel Schmutzhard. Le Koor Opera Vlaanderen trouve lorsqu’il est en coulisse une superbe mystique, et magnifie son intervention finale par un choral féminin chanté au ras de terre.

    Le Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen passionne de bout en bout, emmené par la battue précise et fluide de Dmitri Jurowski. À peine pourra-t-on se plaindre du manque de charpente des cordes graves (trois contrebasses seulement en fosse) lors de la confrontation Vénus-Tannhäuser, ou d’une conclusion du I brouillonne dans sa partie la plus dynamique. Pour le reste, le lyrisme, la clarté et la beauté des couleurs des premiers violons, les timbres fruités des bois et cristallins des harpes, les interventions lumineuses des violoncelles, tout accompagne avec splendeur la mise en scène et le plateau.

    Coproduit avec Berne, Gênes et Venise, espérons que les distributions changent peu et que le miracle s’y reproduise ; l’occasion pour les plus fervents de refaire le pèlerinage !




    Opéra des Flandres, Anvers
    Le 17/10/2015
    Vincent GUILLEMIN

    Première à l’Opéra des Flandres d’Anvers de Tannhäuser de Wagner dans la mise en scène de Calixto Bieito, sous la direction de Dmitri Jurowski.
    Richard Wagner (1813-1883)
    Tannhäuser oder der Sängerkrieg auf Wartburg, opéra romantique en trois actes (1845)
    Livret du compositeur,
    Versions Paris (acte I) et Dresden (acte II & III)

    Koor Opera Vlaanderen
    Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen
    direction : Dmitri Jurowski
    mise en scène : Calixto Bieito
    décors : Rebecca Ringst
    costumes : Ingo Krügler
    éclairages : Michael Bauer
    préparation des chœurs : Jan Schweiger

    Avec :
    Andreas Schager (Tannhäuser), Ausrine Stundyte (Vénus), Liene Kinča (Elisabeth), Ante Jerkunica (Landgraf Hermann), Daniel Schmutzhard (Wolfram von Eschenbach), Adam Smith (Walther von der Vogelveide), Leonard Bernad (Biterolf), Stephan Adriaens (Heinrich von Zweter), Patrick Cromheeke (Reinmar von Zweter), Katrijn van Cauwenberghe (Jeune Pâtre).

     


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