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CRITIQUES DE CONCERTS |
07 octobre 2024 |
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Reprise de Wozzeck de Berg dans la mise en scène de Jürgen Flimm, sous la direction d’Ingo Metzmacher au Teatro alla Scala, Milan.
Un Wozzeck di qualitĂ
Déjà passionnant il y a presque vingt ans à Hamburg, Ingo Metzmacher développe encore sa direction à la Scala pour faire ressortir grâce à un orchestre idéal chaque instant du chef-d’œuvre d’Alban Berg. La proposition scénique de Jürgen Flimm tient encore malgré les années et Michael Volle démontre après Berlin qu’il est un excellent Wozzeck.
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Créée par Giuseppe Sinopoli en 1997, reprise en 2000 par James Conlon puis en 2008 par Daniele Gatti, la mise en scène de Wozzeck par Jürgen Flimm retrouve les planches scaligères avec une distribution totalement différente, et laisse cette fois s’exprimer la direction d’Ingo Metzmacher.
L’action se situe dans un décor d’Erich Wonder d’une modernité aujourd’hui dépassée, sorte d’agencement de murs rouges sphériques servant à faire passer l’idée d’une pièce à vivre, également chambre d’observation pour médecins. Le traitement médical y est omniprésent, avec un Doktor analyste non seulement de Wozzeck, mais aussi des autres acteurs du drame, à la fois chercheur de maladies physiques, mais aussi des profondeurs psychanalytiques et névrotiques de son principal patient.
Autour de lui, de nombreux étudiants et derrière un décor rouge dévoilant dans un cadre ovale, sur toute la largeur de scène, une photo différente à chaque acte, représentant ce qui ressemble à des paysages californiens, montagne artificielle au I, désert au II, autoroute à la circulation dense au III.
Michael Volle revient dans le rôle-titre aussi en forme qu’en début de saison à Berlin, avec toujours ce timbre si beau et cette projection exceptionnelle, en plus d’une diction irréprochable. Seule l’incarnation peut être discutée, certainement en partie à cause d’une dramaturgie vieillissante. Guère plus portée par la production, Ricarda Merbeth débute doucement, Marie tout juste audible et sans éclat, pour chauffer petit à petit et parfaire ses dernières interventions, de plus en plus vigoureuse jusqu’à sa mort.
Le reste de la distribution est du niveau des plus grandes scènes, tout comme la préparation du chœur. La vaillance de l’air de Margret démontre que Marie-Ange Todorovitch est carrément un luxe pour un rôle si court ; Roberto Saccà tient sans faille le Tambourmajor et Alain Coulombe, déjà dans CO² sur la même scène en mai, est une excellente surprise en Doktor, avec des attaques violentes et un beau bas-médium sombre. Si l’Andres de Michael Laurenz paraît un peu tendu dans l’aigu, le Capitaine de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke est superbe de présence.
Intérêt principal de cette production, la direction d’Ingo Metzmacher tient en haleine de la première à la dernière note. D’une absolue clarté, sa proposition rappellerait presque dans le détail les mises en valeur d’un Kirill Petrenko, sauf qu’ici le détail n’est qu’une partie du tout et d’un discours global d’une puissance impressionnante. Chaque série dodécaphonique en ressort magnifiée, qu’elle provienne des bois, du célesta ou de la harpe. Après chaque intervention massive des percussions, les cordes reprennent une ampleur wagnérienne, à laquelle s’ajoute une attention particulière pour le plateau.
Mais c’est dans le message délivré que l’on trouve le plus de force. Au I, la berceuse n’a même pas le temps de nous transporter qu’elle est déjà occultée par l’ambiance des séries accompagnant les visions de Wozzeck. La première scène du III trouve une pureté religieuse rarement entendue pour accompagner Marie ; pureté retrouvée à la scène finale lorsqu’on emmène jouer l’enfant. Dès l’extinction des passages lumineux, la nervosité et la tension reprennent le dessus en quelques secondes.
Bien d’autres exemples pourraient-être donnés pour prouver la qualité de ce spectacle, où l’on ne peut que regretter un parterre presque vide, alors que les loges sont pleines aux troisièmes et quatrièmes balcons, là où les places sont encore financièrement accessibles aux passionnés.
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Teatro alla Scala, Milano Le 08/11/2015 Vincent GUILLEMIN |
| Reprise de Wozzeck de Berg dans la mise en scène de Jürgen Flimm, sous la direction d’Ingo Metzmacher au Teatro alla Scala, Milan. | Alban Berg (1885-1935)
Wozzeck, opéra en trois actes (1925)
Livret du compositeur d’après le drame de Georg Büchner
Coro del Teatro alla Scala
Orchestra del Teatro alla Scala
direction : Ingo Metzmacher
mise en scène : Jürgen Flimm
reprise de la mise en scène : Giovanna Maresta
décors : Erich Wonder
costumes : Florence von Gerkan
Ă©clairages : Marco Filibeck
Avec :
Michael Volle (Wozzeck), Ricarda Merbeth (Marie), Roberto Saccà (Tambourmajor), Michael Laurenz (Andres), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Hauptmann), Alain Coulombe (Doktor), Marie-Ange Todorovitch (Margret), Andreas Hörl, Modestas Sedlevicius (Handwerksburschen), Rudolf Johann Schasching (L’Idiot). | |
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