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CRITIQUES DE CONCERTS |
08 septembre 2024 |
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John Eliot Gardiner revient à Versailles pour le second volet de son somptueux voyage d'automne, inauguré le mois dernier par Orphée et Eurydice de Gluck. À l'Opéra Royal succède la Chapelle Royale dans la liste des écrins sonores qui accueillent le Monteverdi Choir et les English Baroque Soloists. De l'aveu même du chef, le lieu se prête idéalement à l'interprétation des Vêpres à la Vierge de Monteverdi, œuvre qu'il a souvent dirigée, notamment à la Basilique Saint-Marc de Venise lors d'un concert filmé mais également à Versailles en 2010 et 2014.
La disposition des musiciens dans la vaste nef répond à un souci de spatialisation, déjà présent dans la musique des compositeurs de l'époque de Monteverdi. Au double chœur, situé devant le maître-autel, répondent les interventions solistes situées à différents endroits de la tribune, ainsi que le chœur d'enfants au niveau du grand orgue. Ainsi, l'alternance de psaumes et motets concertants trouve ici un espace idéal pour la résonance et la diffusion de cette fresque sonore.
Les dialogues et les effets d’écho sont à l'exact croisement du madrigal intimiste et des grands chœurs baroques. Certains aspects formels à la rugosité archaïque résistent à la seconda prattica, comme cet énergique Invitatorium lancé par le baryton Alexander Ashworth, les réponses en homophonie ou encore les ornementations par répétition d'une même syllabe (Audi cœlum).
Les contrastes très vifs sont nourris de l'intérieur par l'exigence d'une diction très expressive, aux limites de l'outrance (Laudate pueri) mais toujours au service de ce véritable théâtre de voix que recherche Gardiner. Le rebond rythmique et le changement de battue propulse les dix voix du Nisi Dominus vers les plus hautes sphères. Partout prolifère une pluie de syllabes et de notes, avec un volume et une netteté d'attaque proprement ahurissants (Lauda Jerusalem). L'implacable ponctuation rythmique du Laetatus sum contraste avec les réponses des ténors doublés par les les chitarrones sur la tribune opposée.
La progression vers les deux Magnificat permet d'apprécier la manière unique avec laquelle le Monteverdi Choir répond à la moindre inflexion. Dans le massif foisonnant des voix, les ténors Nicholas Mulroy et Krystian Adam et les sopranos Francesca Aspromonte et Francesca Boncompagni tirent brillamment leur épingle du jeu. Gardiner sculpte d'un geste large et précis le jeu des registres et l'enlacement des lignes dans une conclusion où poudroie l'éclat très vif du chœur d'enfant, les sacqueboutes et les cornets à bouquin.
Ce premier grand chef-d’œuvre sacré du baroque trouve ici un chef et des interprètes pour ainsi dire définitifs. On ne manquera pas de visionner pour s'en convaincre la déjà exceptionnelle soirée captée en mars 2014. Parue ce mois-ci, la version DVD-Blu-ray parue chez Alpha-Classics fait pénétrer le spectateur au plus près de l'émotion du concert, grâce à des plans vidéos et une prise de son remarquables.
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Chapelle Royale, Versailles Le 08/11/2015 David VERDIER |
| Vêpres de la Vierge de Monteverdi sous la direction de John Eliot Gardiner à la Chapelle royale du Château de Versailles. | Claudio Monteverdi (1567-1643)
Vespro della beata Vergine
Francesca Aspromonte soprano
Francesca Boncompagni soprano
Mariana Flores soprano
Krystian Adam ténor
Nicholas Mulroy ténor
Andrew Tortise ténor
Alexander Ashworth basse
Gianluca Buratto basse
Robert Davies basse
Les Pages du Centre de musique baroque de Versailles
préparation : Olivier Schneebeli
The Monteverdi Choir
The English Baroque Soloists
direction : Sir John Eliot Gardiner | |
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