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CRITIQUES DE CONCERTS 12 octobre 2024

Récital de Sunwook Kim dans la série Piano**** à la Philharmonie de Paris.

Kim le magnifique

Le Sud-coréen Sunwook Kim après le Russe Daniil Trifonov : jeunes et exceptionnels, ces deux pianistes se sont suivis dans notre capitale pour nous offrir à quelques jours d’intervalle des bonheurs remarquables. Audace et décision ont même démesure parfaitement maîtrisée. Sunwook Kim en a servi Mozart, Schubert et Beethoven d’un engagement stupéfiant.
 

Philharmonie, Paris
Le 10/02/2016
Claude HELLEU
 



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  • Mozart ouvre la soirĂ©e. Sous le jeu clair et dĂ©tachĂ© de Sunwook Kim, la Sonate n° 3 en sib majeur tĂ©moigne de la vitalitĂ© conquĂ©rante de son auteur. Mozart a dix-huit ans, un dynamisme plein d’entrain, il est joueur, l’humeur insouciante, par moments songeuse. Main gauche et main droite tels deux personnages se provoquent, s’amusent, s’unissent, leur intrĂ©piditĂ© dĂ©daignant toute affèterie.

    Schubert, lui, est en pleine maturité quand il compose la Sonate n° 20 en sol majeur. Kim va suspendre le temps et nous en subjuguer. Sa pénétration du clavier fascine, et la gravité qui s’en dégage. Molto moderato, le mystère monte du calme né de l’alliage de puissance et de douceur des accords. Nous happent les répétitions toujours changeantes, les harmonies confondues sans que jamais une prééminence n’affaiblisse l’importance d’un accompagnement, telles ces octaves de la main droite et ce balancement de la gauche d’une même présence.

    Équilibre rare de l’intériorité méditative et de ses affirmations, que le climat s’allège ou qu’il se densifie et s’assombrisse. Alors, à la tristesse répond la volonté de sourire envers et contre tout, ou l’héroïsme d’un canon aux deux mains montant au fortissimo d’une ampleur grandiose. Accords orchestraux, basses somptueuses, silence… et le retour à une sobre imploration.

    Lentement, posément, Sunwook Kim poursuit sa personnalisation de Schubert, celui qui vit les drames et celui qui proteste de toute son énergie. Cette violence calme, cette philosophie en écho habitent les divines longueurs de la sonate, humanise ombres et éclats, joies et silences abrupts, accès d’exubérance et contemplation. Ou comment on peut nuancer à l’infini une musique parfois étonnamment répétitive avant l’heure quand la mort est proche mais la vie si belle.

    Il ne choisit pas des programmes où briller de feux d’artifice, le jeune Coréen. Après l’immobilité fascinante de la sonate de Schubert, les Variations Diabelli de Beethoven exigent un engagement visionnaire à leur dimension. De quelques mesures a priori anodines naît un monde auquel peu d’interprètes savent se confronter. Kim est ce visionnaire.

    Qu’un si jeune musicien pénètre ainsi la dernière œuvre pour piano du maître à la fin de sa vie (à l’exception des Six Bagatelles op. 126) ne cesse d’impressionner, d’éblouir, de bouleverser. À la profondeur du jeu s’allie un dépouillement farouche pour enchaîner trente-deux variations telle une renaissance aux surprises infinies. Octaves brisées, déferlements de traits fulgurants, vigueur des rythmes, staccato élastique, martèlements souples et provocants, lyrisme insolent, rythmes victorieux, les prouesses techniques, naturelles, s’effacent derrière la force de l’expressivité et sa décision magistrale.

    Elle impose les provocations, la violence et ses orages comme les émerveillements d’un parcours dont l’évidence ne cesse de surprendre. Pratiquement sans pédale, avec ce don pour capter les sonorités déjà remarqué dans Prélude, Choral et Fugue de Frank (dont vient de sortir l’enregistrement en CD), le pianiste révèle l’âme des timbres, jeux de résonnances tenues sous les accords personnalisés à l’infini.

    Grondements dans les basses, plénitude des notes solitaires, silences habités étayent le jeu ravageur, ses durcissements, l’audace de frappes sèches pour mieux ensuite chanter la poésie d’un toucher dédaigneux de toute fioriture. Le génie de Beethoven communique son assurance à celui qui le ressent si intensément.

    Sunwook Kim atteint sommets et abîmes du défi engagé par Beethoven à les multiplier en un renouvellement stupéfiant de quelques mesures, pratiquement toutes de la même longueur, et conclut son identification d’un superbe accord qui se meurt. Au-delà d’une interprétation, ce sont les secrets du vieux lion, appelait-on parfois le maître, que découvre la jeunesse intrépide du pianiste.




    Philharmonie, Paris
    Le 10/02/2016
    Claude HELLEU

    Récital de Sunwook Kim dans la série Piano**** à la Philharmonie de Paris.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Sonate n° 3 en sib majeur KV. 281
    Franz Schubert (1797-1828)
    Sonate n° 20 en sol majeur « Fantaisie Â» D. 894
    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    33 Variations sur une valse de Diabelli op. 120
    Sunwook Kim, piano

     


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