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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Reprise de la production de Die Liebe der Danae de Richard Strauss dans la mise en scène de Kirsten Harms et sous la direction de Sebastian Weigle à la Deutsche Oper Berlin.
Un lyrisme retrouvé
Les Strauss-Wochen berlinoises se poursuivent avec Die Liebe der Danae. La distribution portée par Manuela Uhl expose également le Mercure de Thomas Blondelle et la Xanthe d’Adriana Ferfezka, dans une mise en scène de Kirsten Harms. La direction de Sebastian Weigle donne tout le lyrisme et la couleur de cette partition rarement jouée.
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En 1920, Hugo von Hofmannsthal soumet à Richard Strauss un projet sur Danaé ou le mariage de raison, écarté au profit d’Ägyptische Helena. L’idée de revenir à Danaé réapparait en 1936, alors que le poète viennois est décédé trois ans plus tôt et que Stefan Zweig, en qui Richard Strauss a trouvé le successeur idéal, est en passe d’être interdit de collaboration par le régime Nazi.
Strauss se tourne alors vers Joseph Gregor, avec qui les échanges ne seront jamais aussi simples ni aussi fructueux, expliquant en partie un livret mal calibré, trop long et déséquilibré sur un troisième acte dans lequel l’action n’avance plus. L’opéra du nom définitif de Die Liebe der Danae (l’Amour de Danaé) est achevé en 1940 et créé lors d’une générale le 16 août 1944, à un moment où la musique n’est pas au centre des préoccupations. Il sera monté officiellement en 1952 de manière posthume à Salzbourg, qui le remonte d’ailleurs cet été.
À Berlin, après Hélène d’Égypte, la Deutsche Oper poursuit sa dynamique straussienne et reprend l’œuvre dans la mise en scène de Kirsten Harms créée en 2011, filmée pour le DVD dans la foulée avec une distribution principale quasi identique à celle de ce printemps. La mise en scène joue sur plusieurs tableaux en proposant au I une idée qu’elle abandonne en partie ensuite. Le décor de Bernd Damovsku ouvre sur un intérieur bourgeois dans lequel on trouve de nombreuses statues grecques et toiles de maîtres sur ou autour de Jupiter et ses amours. Un piano trône au milieu de la pièce et rappelle la conversation bourgeoise de Capriccio ; il sera ensuite retourné puis suspendu par trois filins dans les airs jusqu’à la fin de l’opéra, tandis qu’en guise de pluie d’or tombent des partitions.
Ici, Harms semble jouer sur la valeur de l’art et de la musique de Strauss par le biais d’un parallèle avec la richesse du métal précieux, mais aussi exposer dans sa comparaison avec Capriccio que Danaé est le véritable testament lyrique du compositeur. Cette pensée ne va pas plus loin car dès le II un lit d’or et les échanges entre Midas, Danaé et Jupiter restent très proches des didascalies du livret, et le III ouvre sur un décor de murs entassés qui représente tour à tour l’Olympe et le nouveau monde du couple de mortels, avec seulement de belles images lors du monologue et de la scène finale grâce aux lumières bleutés souvent teintées de rouge de Manfred Voss.
La soprano Manuela Uhl livre une excellente prestation dans une œuvre pour laquelle elle n’a presque pas de concurrentes ; elle attire par une ligne de chant toujours maîtrisée, dans laquelle elle adapte ses moyens avec intelligence à la longueur du rôle et à ses exigences dans l’aigu. Raymond Very est annoncé malade mais cela ne s’entend pas, tant la voix est naturelle et bien projetée, alors qu’à l’inverse celle du Jupiter de Mark Delavan semble gênée aux deux premiers actes, tout en réussissant à s’ouvrir à quelques rares moments, avant un acte III trop long et très compliqué pour un chanteur sous-dimensionné dans cet emploi que l’on compare parfois à Wotan.
Le chœur pas toujours en place dans la première scène convainc plus ensuite ; mais laisse la visibilité aux quatre rois et à leurs quatre épouses, parmi lesquelles on remarque la Semele de Nicole Haslett et l’Europa de Martina Welschenbach. Chanteur de troupe déjà repéré, Thomas Blondelle dynamise superbement le III par un jeu survolté et une voix impeccablement gérée pour Mercure, mais la plus belle découverte de la soirée vient de la Xanthe superbe d’aigu et parfois supérieure dans les duos à l’héroïne principale, tenue par une jeune Polonaise de tout juste 24 ans, Adriana Ferfezka.
En fosse, l’Orchester der Deutschen Oper Berlin a gagné en couleur et en lyrisme par rapport à la veille, grâce à la présence de l’actuel directeur musical de Francfort, Sebastian Weigle, qui sera un candidat évident dans la maison berlinoise lorsque la succession de Donald Runnicles se posera. Il fait ressortir le lyrisme et toutes les palettes d’une partition manquant pourtant d’identité dans ses oscillations entre la sombre réflexivité de Capriccio et la luminosité d’Ariadne auf Naxos, et propose une direction idéale pour redécouvrir cet opéra et la relation de son matériau narratif orchestral en regard du reste de l’œuvre du génie allemand.
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Deutsche Oper, Berlin Le 09/04/2016 Vincent GUILLEMIN |
| Reprise de la production de Die Liebe der Danae de Richard Strauss dans la mise en scène de Kirsten Harms et sous la direction de Sebastian Weigle à la Deutsche Oper Berlin. | Richard Strauss (1864-1949)
Die Liebe der Danae, opéra en trois actes op. 83
Livret de Joseph Gregor d’après l’idée d’Hugo von Hofmannsthal
Chor und Orchester der Deutschen Oper Berlin
direction : Sebastian Weigle
mise en scène : Kirsten Harms
décors : Bernd Damovsku
costumes : Dorothea Katzer
Ă©clairages : Manfred Voss
direction d’acteur : Silke Sense
dramaturgie : Andreas K.W. Meyer
préparation des chœurs : William Spaulding
Avec :
Manuela Uhl (Danae), Mark Delavan (Jupiter), Raymond Very (Midas), Andrew Dickinson (Pollux), Adriana Ferfezka (Xanthe), Thomas Blondelle (Mercure), Paul Kaufmann, Clemens Bieber, Thomas Lehman, Alexei Botnarcluc (les quatre Rois), Nicole Haslett (Semele), Martina Welschenbach (Europa), Rebecca Jo Loeb (Alkmene), Katharina Peetz (Leda). | |
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