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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Nouvelle production de La Fanciulla del West de Puccini dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Riccardo Chailly à la Scala de Milan.
Fanciulla cinematografica
Partagée entre la direction passionnante de lyrisme et d’intelligence de Riccardo Chailly et la mise en scène vide basée sur les marottes de la mise en abyme chères à Robert Carsen, la nouvelle Fanciulla del West de Milan déçoit surtout par une distribution dont seul Claudio Sgura soutient le niveau attendu sur la scène de la Scala.
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Poursuivant le cycle Puccini prévu jusqu’en 2022, Riccardo Chailly livre après l’excellente Turandot de l’année passée une direction de référence dans l’opéra américain de Puccini, dont il choisit la version originale de 1910 plutôt que celle retouchée de 1922. Il attaque l’ouverture avec un volume sonore élevé d’où ne ressort pourtant aucune vulgarité, puis trouve douceur et lyrisme dès la scène suivante, lors de la complainte de Jack Wallace dans laquelle le chœur est déjà empli des sonorités retrouvées plus tard dans l’ultime partition du maître.
Toute la représentation sera du même niveau en fosse, d’un lyrisme permanent aux cordes et tout particulièrement aux premiers violons, jamais altérés par les choix de balance d’une rare intelligence, où noirceur des contrebasses et mise en avant des percussions inscrivent totalement cette œuvre dans sa modernité début de siècle, au milieu d’une vie musicale dominée par Vienne et le post-wagnérisme. Une fois encore l’Orchestra del Teatro alla Scala tient largement son rang parmi les meilleurs ensembles d’opéra du monde, sans aucun manquement dans la perfection de ses pupitres solistes, desquels on se délecte de chaque intervention de la première flûte et du hautbois.
Le chœur lui aussi impeccable dans sa mise en place et sa couleur manque seulement d’ampleur lors des effets de masse, notamment pendant une scène finale en partie limitée pour soutenir la soprano Barbara Haveman, présente pour la première fois sur la scène milanaise à l’occasion du remplacement d’Eva-Maria Westbroek malade. La chanteuse néerlandaise ne démérite pas grâce à un timbre sombre adapté à Puccini, et lance même vaillamment ses aigus, comme à la fin de Oh ! La fareste…, mais n’a pas le niveau d’excellence attendu sur cette scène, pas plus que le ténor nasal bien que toujours juste de Roberto Aronica.
Les seconds rôles vont du bon chez les ténors Carlo Bossi (Nick) et Marco Ciaponi à très bon pour les barytons Alessandro Luongo (Sonora) et Davide Fersini (Jack Wallace), tandis que seul Claudio Sgura, déjà entendu à Paris dans le rôle de Jack Rance atteint par le style, la présence et la projection le niveau requis pour la plus belle scène italienne.
Malheureusement la représentation est en partie gâchée par la mise en scène cinématographique de Robert Carsen, dont les décors somptueux de Luis Carvalho ne parviennent pas à soutenir l’absence d’intelligence dans la proposition. La production présentée comme neuve a au moins le mérite d’être en réalité une reprise de celle d’Anvers de 1996, ce qui explique notamment que le décorateur ne soit pas l’actuelle complice Michael Levine. Là où l’on trouve un copier-coller avec la fin de Lehnhoff, il faut donc laisser le privilège à Robert Carsen, et juger cette mise en scène pour ce qu’elle est : une vieille proposition.
Comme toujours avec ce metteur en scène le début commence par la fin, ici le The End d’un western de John Ford avec Henri Fonda, regardé par tout le chœur de dos, alors que le reste est souvent inspiré du film The Girl of the Golden West de 1938. Le deuxième acte dans un intérieur censé représenter celui du film The Wind tourné par Victor Sjörström en 1928 a dû être retouché puisqu’il trouve ensuite référence dans le Sin City de Frank Miller sorti en 2005, lorsque la trace de sang de Dick Johnson caché devient ici un flot rouge vif dans un univers noir et blanc.
Dommage que le metteur en scène habile dans les jeux de double n’ait pas retravaillé l’ouvrage pour l’Italie en jouant sur le tableau des déserts italiens dans lesquels ont pourtant été filmé de nombreux westerns spaghetti, plutôt que de nous laisser en plein désert de la Grande Vallée ! Mais qu’importe, puisqu’il suffisait de fermer les yeux et de concentrer toute l’attention sur la fosse pour trouver l’excellence.
On attend maintenant avec impatience les propositions du génial directeur musical Riccardo Chailly dans Madame Butterfly, Tosca et autres Trittico les prochaines saisons.
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Teatro alla Scala, Milano Le 06/05/2016 Vincent GUILLEMIN |
| Nouvelle production de La Fanciulla del West de Puccini dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Riccardo Chailly à la Scala de Milan. | Giacomo Puccini (1858-1924)
La Fanciulla del West, opéra en trois actes
Livret de Guelfo Civinni et Carlo Zangarini d’après le drame de David Belasco
Coro del Teatro alla Scala
Orchestra del Teatro alla Scala
direction : Riccardo Chailly
mise en scène : Robert Carsen
décors : Robert Carsen & Luis Carvalho
costumes : Petra Reinhardt
Ă©clairages : Robert Carsen & Peter Van Praet
vidéos : Ian William Galloway
Avec :
Barbara Haveman (Minnie), Claudio Sgura (Jack Rance), Roberto Aronica (Dick Johnson), Carlo Bosi (Nick), Gabriele Sagona (Ashby), Alessandro Luongo (Sonora), Marco Ciaponi (Trin), Gianluca Breda (Sid), Costantino Finucci (Bello), Emanuele Giannino (Harry), Krystian Adam (Joe), Francesco Verna (Happy), Romano Dal Zovo (Larkens), Alessandro Spina (Billy Jackrabbit), Alessandra Visentin (Wowkle), Davide Fersini (Jake Wallace), Leonardo Galeazzi (José Castro), Francesco Castoro (Un postillon). | |
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