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CRITIQUES DE CONCERTS 27 avril 2024

Reprise à l’Opéra de Lyon du diptyque Iolanta-Perséphone dans la mise en scène de Peter Sellars, sous la direction de Martyn Brabbins.

Deux manières de cécité
© Jean-Pierre Maurin

Rapprochement audacieux et au final parfaitement valable entre la Iolanta de Tchaïkovski et la Perséphone de Stravinski dans ce spectacle phare du Teatro Real de Madrid vu depuis à Aix et proposé aujourd’hui aux Lyonnais par Serge Dorny, héritier spirituel d’un Gerard Mortier qui réussissait comme peu de directeurs de salles lyriques l’art des couplages intrigants.
 

Opéra national, Lyon
Le 15/05/2016
Yannick MILLON
 



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  • Beaucoup d’encre a coulĂ©, jusque dans nos colonnes par deux fois, sur ce qui restera l’un des derniers spectacles de Gerard Mortier, ami de longue date de Peter Sellars, depuis la Monnaie de Bruxelles jusqu’à l’OpĂ©ra de Paris en passant par Salzbourg. Les hĂ©ritiers spirituels du directeur belge disparu en 2014 continuent Ă  honorer sa mĂ©moire en faisant tourner ce diptyque Iolanta-PersĂ©phone, d’abord Bernard Foccroule Ă  Aix l’étĂ© dernier, avant Serge Dorny ce mois de mai Ă  l’OpĂ©ra de Lyon.

    Occasion rêvée pour les septentrionaux de découvrir un spectacle capté au DVD à Madrid sous étiquette Teatro Real, présenté avec quelques changements de distribution. Le plus notable concerne le rôle-titre récité de l’oratorio de Stravinski, où Dominique Blanc a cédé la place à une Pauline Cheviller peu portée sur la sobriété, constamment le sanglot dans la voix (et tout aussi piètrement amplifiée), en totale contradiction avec les lignes épurées de la direction de Martyn Brabbins, privilégiant des cellules répétées dans une approche chambriste arrondissant les angles avec une précision rythmique toujours souple.

    Phénomène ô combien répandu, il est difficile de se passer du surtitrage, y compris chez le vaillant Paul Groves, format et timbre idéal pour le ténor d’Eumolpe mais exotique de français, et chez des chœurs d’adultes parfois vagues de voyelles mais d’une superbe mise en place. On saluera d’autant plus le travail de Karine Locatelli dans la préparation des voix féminines de la Maîtrise, d’une pureté d’élocution et d’une homogénéité inespérées, valant un tableau final de la Renaissance de Perséphone d’une incomparable beauté.

    Jouant à merveille de l’hypnotisme appuyé sur l’invention rythmique de Stravinski, le chef britannique apparaissait moins à son aise dans le lyrisme très XIXe d’Iolanta, où l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, remarquable après l’entracte, peinait plus à trouver ses marques, vents mal assurés dans l’introduction, sonorités parfois étriquées, avant de voguer vers plus de rondeur et un accompagnement juste assez dramatique pour porter le plateau. Difficile toutefois de succéder à la baguette de sourcier de Teodor Currentzis, auteur de l’insertion, juste avant l’académique action de grâces finale, d’un saisissant chœur orthodoxe a cappella de la Liturgie de saint Jean Chrysosthome.

    On pouvait d’ailleurs profiter d’une distribution tchaïkovskienne de premier plan, essentiellement russophone, avec des voix idoines comme la Iolanta d’Ekaterina Scherbachenko, petit noyau capable de projeter loin sans chercher le volume par l’épaisseur, touchante de naïveté lumineuse, capable de très jolis piani comme d’un lyrisme beaucoup plus ardent. Du feu, le Comte Vaudémont d’Arnold Rutkowski en a pour dix, avec son ténor clair, cuivré, sa ligne conquérante sans la moindre vulgarité et ce haut registre où seuls les plus athlétiques aigus auraient tendance à se rétrécir.

    Basse d’abord pleine de moelleux, déclamation juste assez collante pour développer le plus beau legato russe, le roi René de Dmitry Ulyanov déploie une artillerie impressionnante dans son court arioso, aigus de fin de phrase éclatants et autorité vocale d’authentique monarque. Parmi des seconds rôles tous excellemment tenus, seul le médecin Ibn-Hakia de Willard White, encombré et mâchonnant, perd un peu en prestige.

    Reste le rapprochement entre deux ouvrages stylistiquement aussi dissemblables, où une forme de cécité chez les deux héroïnes justifie cette mise en regard audacieuse. Entre Yolande, princesse médiévale aveugle maintenue dans l’ignorance de son handicap et Perséphone, fille de Déméter, retenue captive aux Enfers, Peter Sellars tisse des liens avant tout par la scénographie, décor minimaliste de portiques surplombés par des fragments de fossiles posés en équilibre qui disent parfaitement l’instabilité de la situation de l’une comme de l’autre.

    La gestuelle assez datée du chœur et une direction d’acteurs en service minimum peinent en revanche à valider à l’affiche le nom du metteur en scène américain, dont la modernité naguère si fulgurante aurait tendance, depuis une décennie, à se dispenser d’un véritable travail de théâtre en s’appuyant toujours plus sur de formidables collaborateurs – les vidéos de Bill Viola pour le Tristan de Paris, ici les éclairages de James F. Ingalls, qu’on aimerait plus contrastés dans Iolanta, qu’on admire sans réserve dans Perséphone, et les danses proches du mime du collectif cambodgien Armita Performing Arts, très en phase avec la respiration orientale du si attachant oratorio stravinskien.




    Opéra national, Lyon
    Le 15/05/2016
    Yannick MILLON

    Reprise à l’Opéra de Lyon du diptyque Iolanta-Perséphone dans la mise en scène de Peter Sellars, sous la direction de Martyn Brabbins.
    Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
    Iolanta, opéra en un acte op. 69 (1892)
    Livret de Modest Tchaïkovski d’après la Fille du roi René de Henrik Hertz
    Igor Stravinski (1882-1971)
    Perséphone, mélodrame en trois scènes (1934)
    Livret d’André Gide

    Maîtrise, Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Lyon
    direction : Martyn Brabbins
    mise en scène : Peter Sellars
    décors : George Tsypin
    costumes : Martin Pakledinaz
    Ă©clairages : James F. Ingalls
    préparation des chœurs : Bohdan Shved

    Avec :
    Iolanta : Ekaterina Scherbachenko (Iolanta), Dmitry Ulyanov (René), Maxim Aniskin (Robert), Arnold Rutkowski (Vaudémont), Sir Willard White (Ibn-Hakia), Vasily Efimov (Alméric), Pavel Kudinov (Bertrand), Diana Montague (Marta), Maria Bochmanova (Brigitta), Karina Demurova (Laura).
    Perséphone : Pauline Cheviller (Perséphone), Paul Groves (Eumolpe), et les danseurs Sathya Sam, Sodhachivy Chumvan, Chan Sithyka Khon et Narim Nam.

     


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