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CRITIQUES DE CONCERTS 29 mars 2024

Création mondiale de The Exterminating Angel de Thomas AdÚs dans une mise en scÚne de Tom Cairns et sous la direction du compositeur au festival de Salzbourg 2016.

Salzbourg 2016 (1) :
AdĂšs au Paradis

© Monika Rittershaus

La force de l’évidence a le mĂ©rite de mettre tout le monde d’accord : The Exterminating Angel inspirĂ© par le film de Buñuel Ă  Thomas AdĂšs et Tom Cairns en est une Ă©blouissante dĂ©monstration, et l’on cherche les voix discordantes pour critiquer ce spectacle abouti et cohĂ©rent, au style parfaitement assumĂ©, attestant surtout une rĂ©elle intelligence dans le travail d’adaptation.
 

Haus fĂŒr Mozart, Salzburg
Le 08/08/2016
Thomas COUBRONNE
 



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  • Commençons par rendre Ă  Buñuel ce qui est Ă  Buñuel : El ĂĄngel exterminador est l’Ɠuvre idĂ©ale pour inspirer un opĂ©ra. Cela est tout sauf anodin, et il suffira pour s’en persuader de se rappeler combien le gĂ©nie opĂ©ratique d’un Britten, d’un Debussy s’est manifestĂ© en premier lieu par la sĂ»retĂ© de leurs goĂ»ts, par l’intuition de leurs choix d’adaptation.

    Le film (au fond plus fantastique que surrĂ©aliste) raconte comment les invitĂ©s d’un dĂźner mondain s’avĂšrent inexplicablement incapables de quitter le salon, comment la haute sociĂ©tĂ© frĂŽle la barbarie dĂšs lors qu’elle sent approcher l’anĂ©antissement. Huis-clos thĂ©Ăątral, fable morale, satire sociale, l’allĂ©gorique le dispute au rĂ©alisme dans un film dĂ©pourvu d’autre musique que le piano du salon, les cloches et les chants d’église, pain bĂ©nit pour le compositeur.

    Le remaniement de l’histoire, la redistribution des personnages, la coupure dans les dialogues, la suppression de la scĂšne finale, tout passe comme une lettre Ă  la poste, tant le projet semble limpide dans les esprits jumeaux de Thomas AdĂšs (ici co-librettiste, compositeur et chef d’orchestre) et Tom Cairns (librettiste et metteur en scĂšne). L’Ɠuvre produit donc cet effet bien connu depuis Wagner : la cohĂ©rence de la musique, de l’action, du texte, de l’écriture vocale, de la scĂ©nographie, du jeu des acteurs semble happer le spectateur dans un enjeu oĂč le jugement esthĂ©tique et la critique seraient dĂ©placĂ©s.

    D’une maniĂšre diablement efficace, qui fait maintes fois penser Ă  Britten, nous voici pieds et poings liĂ©s Ă  cette action dont nous voulons connaĂźtre le dĂ©nouement exactement comme au cinĂ©ma. Et assurĂ©ment, la musique est cinĂ©matographique, ne craignant ni la rĂ©miniscence ni le ralenti, puisant dans toutes les ressources du compositeur – du chant hĂ©braĂŻque Ă  la bien-aimĂ©e chaconne, en passant par les tambours du Vendredi Saint de Calanda et la valse de Strauss. Sans tabou d’aucune sorte, la dissonance Ă©largie balayant tierces parallĂšles amoureuses et clusters vitriolĂ©s, la partition fait la part belle Ă  l’expressivitĂ©, le continuum sonore Ă©pousant dans une Ă©tonnante fluiditĂ© temporelle la grande variĂ©tĂ© des situations, et surtout des ressentis.

    © Monika Rittershaus

    La mise en scĂšne, Ă  notre sens incontestable, laisse grandes ouvertes les portes de l’imaginaire du spectateur, Ă  l’image du porche monumental du salon que les convives n’osent plus franchir : libre Ă  chacun de trouver son chemin parmi les nombreuses interprĂ©tations possibles de cette action mystĂ©rieuse. Elle repose en revanche, et ce n’est pas la moindre de ses qualitĂ©s, sur des personnages extrĂȘmement Ă©quilibrĂ©s entre leurs particularitĂ©s et leur universalitĂ©, tous incarnĂ©s par un plateau remarquable.

    Aux cĂŽtĂ©s des valeurs sĂ»res, Anne Sofie von Otter impayable d’abattage et au bas-mĂ©dium souverain, John Tomlinson certes en mal d’agilitĂ© mais royal en dĂ©clamation britannique, Thomas Allen tout d’ancienne aristocratie, c’est Ă  mi-chemin entre la troupe et la galerie de portraits que se situe la performance d’une Amanda Echalaz Ă  fleur de peau, une Audrey Luna triomphant d’une partition inchantable, une Sally Matthews lunatique, une Christine Rice torturĂ©e, le duo enchanteur de Sophie Bevan et Ed Lyon, un Charles Workman bienveillant, un FrĂ©dĂ©ric Antoun charismatique, un David Adam Moore ombrageux, un Iestyn Davies hystĂ©rique, un Morgan Moody modĂšle.

    L’écriture vocale Ă©vidente et caractĂ©risĂ©e, la grande maĂźtrise du temps, la conversation en musique jamais au kilomĂštre, l’omniprĂ©sence de l’onde Martenot exhumĂ©e pour incarner l’appel de l’ange, et une grande science des atmosphĂšres caractĂ©risent une partition magistrale d’efficacitĂ© lyrique, un instinct trĂšs sĂ»r pour Ă©pouser les multiples dimensions de l’action. Peut-ĂȘtre l’analyse, l’écoute au disque viendront-elles a posteriori dĂ©trĂŽner cet Ange exterminateur dĂ©jĂ  couronnĂ© chef-d’Ɠuvre lyrique siĂšcle par la presse ; il n’en reste pas moins un Ă©blouissant succĂšs qui n’a pas peur de se frotter aux aspects traditionnels du genre de l’opĂ©ra.




    Haus fĂŒr Mozart, Salzburg
    Le 08/08/2016
    Thomas COUBRONNE

    Création mondiale de The Exterminating Angel de Thomas AdÚs dans une mise en scÚne de Tom Cairns et sous la direction du compositeur au festival de Salzbourg 2016.
    Thomas AdĂšs (*1971)
    The Exterminating Angel, opéra en trois actes
    Livret de Tom Cairns (*1952) en collaboration avec le compositeur, d’aprĂšs le scĂ©nario de Luis Buñuel et Luis Alcoriza

    Création mondiale
    Coproduction avec le Royal Opera House de Londres, le Metropolitan Opera de New York et l’OpĂ©ra royal de Copenhague

    Salzburger Bachchor
    ORF Radio-Symphonieorchester Wien
    direction : Thomas AdĂšs
    mise en scĂšne : Tom Cairns
    décors et costumes : Hildegard Bechtler
    Ă©clairages : Jon Clark
    vidéo : Tal Yarden
    prĂ©paration des chƓurs : Alois Glassner

    Avec :
    Amanda Echalaz (Lucia de Nobile), Audrey Luna (Leticia Maynar), Anne Sofie von Otter (Leonora Palma), Sally Matthews (Silvia de Ávila), Christine Rice (Blanca Delgado), Sophie Bevan (Beatriz), Charles Workman (Edmundo de Nobile), FrĂ©dĂ©ric Antoun (RaĂșl Yebenes), David Adam Moore (Colonel Álvaro GĂłmez), Iestyn Davies (Francisco de Ávila), Ed Lyon (Eduardo), Sten Byriel (Señor Russell), Thomas Allen (Alberto Roc), John Tomlinson (Doctor Carlos Conde), Morgan Moody (Julio), John Irvin (Lucas), Franz GĂŒrtelschmied (Enrique), Rafael Fingerlos (Pablo), Frances Pappas (Meni), Anna Maria Dur (Camila), Cheyne Davidson (Padre SansĂłn), Elias Karl (Yoli).

     


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