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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Deuxième Symphonie de Mahler par l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam sous la direction de Daniele Gatti au Concertgebouw d’Amsterdam.
Mahler jusqu’aux limites
Nouveau directeur de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, Daniele Gatti s’attaque à l’un de ses compositeurs fétiches, Gustav Mahler, et livre une Résurrection emplie de questionnements, dans laquelle les quatre premiers mouvements érigent une lente construction vers la détonation finale. L’orchestre arrive parfois à ses limites tant la pression est forte.
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Dans le fabuleux écrin du Concertgebouw d’Amsterdam, Gustav Mahler est fêté en roi depuis des décennies, avec des visions toujours différentes, d’Eugen Jochum ou Kirill Kondrachine à Bernard Haitink ou Riccardo Chailly, et plus récemment Mariss Jansons. Survient maintenant Daniele Gatti, dont le son plus tendu et le jeu demandant plus de pression sur les cordes modifient radicalement l’approche du Mahler néerlandais joué ces dernières années, sans pour autant s’opposer aux attentes du public, debout aux applaudissements.
Le trémolo initial des cordes montre avec quelle justesse l’orchestre a été préparé pour entrer dans la complexe vision du chef italien, celle d’un Mahler plein de tourments, de questions sur l’art, sur l’homme et les choses de la vie. Gatti n’a pu s’empêcher de déjà modifier l’emplacement des violoncelles, laissés à droite du chef par Mariss Jansons et recentrés d’un cran aujourd’hui pour donner une véritable continuité du son avec les contrebasses derrières eux, et porter les notes plus vers l’avant.
Si l’Allegro maestoso liminaire est teinté de l’ombre du héros récupéré par Mahler d’un poème symphonique d’abord autonome (Totenfeier), les deux mouvements suivants sont pleinement ancrés dans les éléments organiques chers au compositeur à l’époque. La sublime première flûte a beau tenter de ressortir des flots dans l’Andante et le Scherzo, elle est ramenée dans le flux sans pouvoir éviter le cri de désespoir lancé par le tutti final magnifié par une fanfare.
Dans Urlicht, la flûte encore, ainsi que des harpes auparavant déjà remarquables, accompagnent le beau mezzo-soprano de Karen Cargill, profond dans les graves et relativement précis sur le texte, notamment sur ses appuis marqués en fin de phrase. Au milieu d’un tempo globalement lent, cette partie n’est délibérément par retardée par le chef, qui laisse tout simplement avancer le choral solennel aux cuivres sans empêcher l’espoir de remonter à la surface.
Le rêve est de courte durée, et c’est par une impressionnante explosion que débute le long mouvement final, appuyé sur les magnifiques accords des contrebasses. On comprend alors la construction recherchée par Daniele Gatti, intégrant les quatre premiers mouvements comme fondation pour arriver au dernier, à la manière des grandes symphonies de Bruckner.
Les cuivres spatialisés à plusieurs endroits en coulisse créent une sensation mystique rarement entendue à un tel niveau, développée ensuite par les forces chorales du fantastique Groot Omroepkoor, chantant assis très longtemps pour ne se lever que lors de sa dernière intervention.
Le chef italien ne recherche jamais dans l’œuvre des racines catholiques, mais touche ici une pureté qui exsude Parsifal par tous les pores, rappelant ce que l’on a entendu dans l’ultime opéra de Wagner à Bayreuth et New York sous la même baguette. Jamais peut-être les derniers instants n’ont été aussi troublants ni aussi puissants. La jolie soprano Chen Reiss, arrivée seulement quelques heures plus tôt pour remplacer Annette Dasch, doit s’adapter avec concentration à cette vision forte et seconder une mezzo qui ressort du groupe à plusieurs reprises.
Il fallait au moins un ensemble comme celui du Royal Concertgebouw pour porter à un tel degré ce discours, même si les violons se trouvent parfois poussés à leur extrême limite. Si certains sont restés dubitatif sur la qualité du chef à Paris, ses débuts en tournée et à Amsterdam ne font plus douter quant à la fusion avec l’orchestre, laissant même l’auditeur dans de profondes réflexions après une telle proposition.
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Concertgebouw, Amsterdam Le 18/09/2016 Vincent GUILLEMIN |
| Deuxième Symphonie de Mahler par l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam sous la direction de Daniele Gatti au Concertgebouw d’Amsterdam. | Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 2 en ut mineur « Résurrection »
Karen Cargill, mezzo-soprano
Chen Reiss, soprano
Groot Omroepkoor
Royal Concertgebouw Orchestra
direction : Daniele Gatti | |
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