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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Intégrale des concertos de Prokofiev par l’Orchestre du Mariinski sous la direction de Valery Gergiev et les pianistes George Li, Denis Matsuev, Alexander Malofeev, Sergei Redkin et Vadym Kholodenko à la Philharmonie de Paris.
Russes corps et âmes
Avec son Orchestre du Mariinski, Valery Gergiev a offert au public de la Philharmonie l’intégrale des cinq concertos de Prokofiev dans leur ordre chronologique. Une évolution passionnante sous les techniques ravageuses de pianistes couronnés de prix, dont ceux du Concours Tchaïkovski, la plus exigeante des compétitions internationales.
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Il a 22 ans, une sympathique gaucherie pour entrer en scène, une infaillible assurance face à son clavier. George Li, médaille d’argent 2015 au fameux concours Tchaïkovski, est le seul artiste des deux soirées à ne pas être russe. À lui le Concerto n° 1, composé par un Prokofiev de 21 ans. L’éclat de la sonorité, la détermination joueuse du toucher pour détacher le staccato provocateur d’une partition révolutionnaire en son temps, l’enthousiasme des défis, la profondeur et la légèreté des appuis célèbrent la haute voltige d’une technique ravageuse. Tête baissée dans sa cadence finale, maître d’une fougue jubilatoire, Li, ravi, pavoise un bonheur communicatif.
Pour le Concerto n° 2, composé un an après le précédent, Denis Matsuev, victorieux au XIe Concours Tchaïkovski en 1998, se présente dans toute sa force tranquille. Le célèbre Artiste du peuple, professeur honoraire de l’Université de Moscou et couvert d’autres titres, assume triomphalement l’envergure de ses provocations et y répond sans le moindre trouble. Une sonorité plus sèche, plus courte, traite en douceur l’Andantino d’ouverture.
Impeccable, le pianisme d’airain se dirige vers la monumentale cadence du premier mouvement. Et là , chapeau bas aux cascades d’accords, aux fulgurances de traits. Fortissimo, uniformément tumultueuses mais époustouflantes, elles se déchaînent assénées de même. Crescendos, decrescendos ? Inconnus au champ de bataille. Quelques jolis moments paisibles ne créent pas pour autant un climat au cours des quatre mouvements dont la véhémence, impersonnelle et somptueuse, tient du prodige.
Et c’est à nouveau un jeune qui entre sur scène, un très jeune. Alexander Malofeev, premier Prix et Médaille d’or au VIIIe Concours Tchaïkoski pour jeunes pianistes en 2014, Grand prix en 2016, paraît à peine ses 15 ans. Après l’abattage impressionnant du colosse précédent, il ose tranquillement pénétrer le Concerto n° 3. Attentif à la direction de Gergiev, l’adolescent s’élance sans précipitation du grave à l’aigu en accords bondissants, martèle ses octaves, enchaîne ses arpèges avec une aisance qui ne perd jamais sa musicalité et surtout la partage avec l’orchestre. L’engagement du pianiste fusionne avec les pupitres du Mariinski quand leur dialogue s’impose. La simplicité, la sensibilité habitent un lyrisme enfin perceptible dans l’intensité technique. La musicalité reprend ses droits.
Sombres, dramatiques, des extraits de Roméo et Juliette parachèvent magnifiquement ces heures russes. Le lendemain, les extraits de Cendrillon n’auront pas le même impact pour conclure des concerts que Gergiev, toujours de plain-pied avec ses musiciens, sa minuscule baguette de quelques centimètres à la main, a tenu à maintenir malgré sa claudication liée à des problèmes au genou.
Sergei Redkin, médaille de bronze du XVe Concours Tchaïkovski en 2015, joue le Concerto n° 4 d’une main gauche précise. Amputée du bras droit, la partition ne présente pas la richesse d’écriture des quatre autres concertos et semble frustrer un pianiste qui sait admirablement se servir de ses deux mains. L’articulation brillante, la sonorité travaillée témoignent de prouesses ingrates, d’autant qu’à la tête du Mariinski, Gergiev ne participe pas vraiment à cette interprétation.
Le héraut de ces concerts sera finalement Vadym Kholodenko, lauréat de la Médaille d’or et de tous les prix spéciaux du XIVe Concours Van Cliburn 2013, dans le Concerto n° 5. L’engagement habite l’aisance audacieuse, personnalise les successions d’accords évidemment vertigineux, percussifs mais élastiques, l’esprit des attaques, des silences en suspens. La virtuosité s’amuse ou s’enchante, les frappes se diversifient. Des basses orchestrales, des aigus aériens, la respiration des phrasés se colorent d’une expressivité incessante. Diversifiée, la vitalité règne dans ce jeu passionnant et naturellement passionné.
Elle couronne cette intégrale passionnante d’une œuvre dont la modernité innovante ne cesse de provoquer et séduire.
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Philharmonie, Paris Le 22/11/2016 Claude HELLEU |
| Intégrale des concertos de Prokofiev par l’Orchestre du Mariinski sous la direction de Valery Gergiev et les pianistes George Li, Denis Matsuev, Alexander Malofeev, Sergei Redkin et Vadym Kholodenko à la Philharmonie de Paris. | 21 novembre :
Serguei Prokofiev (1891-1953)
Concerto pour piano n° 1 en réb majeur op. 10
George Li, piano
Concerto pour piano n° 2 en sol mineur op. 16
Denis Matsuev, piano
Concerto pour piano n° 3 en do majeur op. 26
Alexander Malofeev, piano
Roméo et Juliette (extraits des suites n° 1 et 2)
22 novembre :
Concerto pour piano n° 4 en si bémol majeur op. 53
Sergei Redkin, piano
Concerto pour piano n° 5 en sol majeur
Vadym Kholodenko, piano
Cendrillon, op. 87 (extraits)
Orchestre du Mariinski
direction : Valery Gergiev | |
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