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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 décembre 2024 |
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Nouvelle production de l’opéra Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer dans une mise en scène de David Alden et sous la direction de Michele Mariotti à la Deutsche Oper Berlin.
Massacre en musique
Troisième production d’un nouveau cycle Meyerbeer à la Deutsche Oper Berlin, les Huguenots dans une version en quatre heures bénéficient d’une excellente distribution. Malheureusement, la direction en manque de légèreté de Michele Mariotti et surtout une mise en scène de David Alden sans intelligence gâchent en partie la fête.
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Après Dinorah et Vasco de Gama et avant le Prophète, Berlin donne l’ouvrage le plus célèbre de Meyerbeer, les Huguenots. Et s’il avait été amputé dès sa création en 1836 de presque quarante-cinq minutes, il est proposé en plus de quatre heures sur la scène allemande, avec le Rondo d’Urbain ajouté pour Londres en 1848 et l’air de Valentine réintégré au début du IV.
En fosse, Michele Mariotti combine avec justesse l’orchestre, le chœur et le plateau, sans pourtant trouver les couleurs et variations idéales au compositeur. Car il faut tout accorder dans cette musique, Donizetti et Bellini, Mozart et Rossini, mais encore un cantique luthérien et déjà le jeune Verdi ainsi que les prémices des Moussorgski, Tchaïkovski, Massenet et autres Delibes à venir. Et si Mariotti gère plutôt bien les sonorités italiennes, il n’aère jamais assez la partition et les appuis des cordes pour lui trouver une couleur française à même de tout coordonner, ni ne fait ressortir le romantisme des grandes scènes.
Plus problématique encore, la mise en scène de David Alden passe totalement à côté du livret et s’enfonce dans la comédie musicale aux deux premiers actes pour chercher la facilité dans une église au III lors du tableau du Pré-aux-Clercs, et une mauvaise image de massacre au fusil dans le dernier acte. Il faut donc apprécier cette proposition non à l’européenne comme un produit culturel impliquant l’intellect mais à l’anglo-saxonne façon entertainment avec french-cancan, statues de chevaux ailés ou images sanguinolentes de bon aloi, intégrées dans un unique décor de Giles Cadle représentant un hangar surmonté d’une charpente de bois claire au milieu de laquelle trône une énorme cloche qui ne sonnera jamais, sous la bienveillance des mots « Dieu le veut ».
Passons donc sur l’image et concentrons-nous sur la distribution, puisqu’on a ici presque trouvé les sept étoiles nécessaires à combler la partition. Tout d’abord grâce à Juan Diego Flórez, pour lequel on pouvait craindre face à la lourdeur du rôle de Raoul. Si la voix reste un peu petite, le ténor idéal pour Rossini et le Bel canto sert sa ligne de chant avec intelligence et une droiture impressionnante, et surtout un magnifique troisième registre.
En sa compagnie, la Valentine d’Olesya Golovneva use d’un médium profond tirant le rôle vers Charlotte, avec une endurance impressionnante et une belle projection pour les ensembles. La Reine Patrizia Ciofi, qui plaît tant au public, demeure telle qu’en elle-même : médium quasi inexistant, aigus sortis de nulle part et contrôle du souffle aléatoire, mais aussi incarnation et charisme indubitables. L’Urbain d’Irene Roberts a tout pour lui et donne une présence à un personnage dont s’inspirera plus tard Verdi pour le Page du Bal masqué.
En complément, les basses ravissent, Marc Barrard (Nevers) par sa présence paternelle, sa clarté d’émission et sa diction du français, tout juste surpassé par le magnifique Ante Jerkunica (Marcel) dont les graves sont les plus profonds de la distribution. Derek Welton (Saint-Bris) complète le trio avec un style et une prononciation adaptés. Le reste de la distribution appelle également des éloges, tout comme le chœur, au français certes peu intelligible mais toujours bien en place quoiqu’un peu épais dans les pages les plus légères.
Plaisir non boudé, ces Huguenots montrent que même en quatre heures Meyerbeer n’est pas insurmontable et mettent la barre vocale très haut avant la production de Paris à venir. Et pour notre plus grand plaisir Enrique Mazzola retrouvera la fosse de Berlin l’an prochain pour le Phophète.
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Deutsche Oper, Berlin Le 26/11/2016 Vincent GUILLEMIN |
| Nouvelle production de l’opéra Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer dans une mise en scène de David Alden et sous la direction de Michele Mariotti à la Deutsche Oper Berlin. | Giacomo Meyerbeer (1791-1864)
Les Huguenots, Grand Opéra en cinq actes
Livret d’Eugène Scribe et Emile Deschamps
Chor und Extra-Chor der Deutschen Oper Berlin
Orchester der Deutschen Oper Berlin
direction : Michele Mariotti
mise en scène : David Alden
décors : Giles Cadle
costumes : Constance Hoffman
direction d’acteurs : Teresa Reiber & Gerlinde Pelkowski
chorégraphie : Marcel Leemann
préparation des chœurs : Raymond Hughes
Avec : Juan Diego Flórez (Raoul de Nangis), Patrizia Ciofi (Marguerite de Valois), Derek Welton (Comte de Saint-Bris), Marc Barrard (Comte de Nevers), Olesya Golovneva (Valentine), Irene Roberts (Urbain), Ante Jerkunica (Marcel), James Kryshak (Tavannes), Jörg Schörner (Cossé), John Carpenter (Merú), Alexei Botcharciuc (Thoré / Maurevert), Robert Watson (Bois-Rosé). | |
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