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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 septembre 2024 |
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Nous avions quitté le mythe d'Orphée avec la très onirique et spirituelle production monteverdienne signée Yves Lenoir, nous le retrouvons dans la version française de 1774 avec un haute contre dans le rôle d'Orphée. Œuvre-phare et révolutionnaire d'un classicisme musical finissant, cet Orphée annonce l'esthétique romantique à venir.
Pour ses premiers pas en tant que metteur en scène d'opéra, Maëlle Poésy semble embarrassée par la volonté de moderniser l'ouvrage en restant fidèle à la trame référentielle du livret. Premier écueil, cet austère et ténébreux décor qui peine à occuper le vaste espace scénique par ailleurs encombré par la présence dispensable d'un chœur divisé en deux groupes souvent statiques et silencieux de part et d'autre de l'action centrale. Statiques également, ces moments de chorégraphie trop sporadiques pour être véritablement appréciés, parfois glissés au débotté pendant les deux scènes de mariage. Deux fois valent mieux qu'une, l'action s'ouvrant sur la cérémonie interrompue par la mort subite d'Eurydice et se concluant de la même manière, histoire de bien souligner une circularité bien pesante.
On pénètre aux Enfers par une transition baignée par des éclairages écarlates et inquiétants. La terre qui poudroie et jonche le sol précède l'irruption d'une immense racine d'arbre censée signifier qu'après ce bois tranquille et sombre, nous venons de pénétrer le royaume souterrain d'Hadès. L'idée d'une réalité inversée avec branchages-racines ne vient pas bousculer un intérêt déjà amoindri par l'accumulation de lieux communs. Ni la danse tournoyante des furies, ni les clins d'œil humoristiques (Amour en communication céleste avec son talkie-walkie et chatouillant le nez d'Eurydice pour la tirer de son sommeil), ne parviennent pas à sauver une mise en scène à la fois trop timorée et atone.
Dans la fosse, Iñaki Encina Oyón alterne tempi pressurisés et alanguis ; si bien que l'écoute souffre de cette heure trente de montagnes russes au demeurant bien énigmatique quant à la vision esthétique qu'il cherche à tirer de l'ouvrage. En témoignent l'ouverture menée bride rabattue ou le tic-tac métrique qui fait mentir l'émotion de J'ai perdu mon Eurydice. C'est d'autant plus regrettable que les forces vives de l'Orchestre de Dijon Bourgogne répondent au quart de tour à la moindre inflexion et ce, avec de belles couleurs de cordes et une petite harmonie souvent à la fête.
Impressions contrastées en ce qui concerne le plateau, et principalement le rôle d'Orphée. Malgré un bel engagement et l'énergie avec laquelle il se saisit de sa partie, Anders J. Dahlin dévisse fréquemment dans l'aigu et disparaît dans le registre grave. L'émission pincée accompagne certaines voyelles trop ouvertes et le timbre se désunit dans les agilités virtuoses. Moins exposée, l'Eurydice d'Elodie Fonnard fait oublier une ligne quelque peu irrégulière par la sensibilité et la justesse de l'expression. La jeune Sara Gouzy (Amour) laisse dans son premier air une pointe d'acidité qui disparaît au dernier acte, à la fois plus guilleret et serein.
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Auditorium, Dijon Le 06/01/2017 David VERDIER |
| Nouvelle production d’Orphée et Eurydice de Gluck dans une mise en scène de Maëlle Poésy et sous la direction d'Iñaki Encina Oyón à l’Opéra de Dijon. | Christoph Willibald Gluck (1714-1788)
Orphée et Eurydice, tragédie en trois actes (1774)
Version française d'après un livret de Pierre-Louis Moline
Chœurs de l'Opéra de Dijon
Orchestre Dijon Bourgogne
direction : Iñaki Encina Oyón
mise en scène : Maëlle Poésy
scénographie : Damien Caille-Perret
chorégraphie : Mikel Aristegui
costumes : Camille Vallat
éclairages : Joël Hourbeigt
préparation des chœurs : Phil Richardson
Avec :
Anders J. Dahlin (Orphée), Élodie Fonnard (Eurydice), Sara Gouzy (Amour), et les danseurs Rosabel Huguet, Théo-Mogan Gidon et Alice Kinh. | |
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