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CRITIQUES DE CONCERTS |
18 septembre 2024 |
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Nouvelle production du Retour d'Ulysse de Monteverdi dans une mise en scène de Mariame Clément et sous la direction d'Emmanuelle Haïm au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Retour de manivelle
C'est l'événement parisien de cet avant-printemps : un Retour d'Ulysse signé Mariame Clément avec Rolando Villazón dans le rôle-titre, entouré d'une pléiade de chanteurs au premier rang desquels la Pénélope de Magdalena Kožená. Si la mise en scène peut déconcerter, le plateau convainc globalement malgré quelques surprises.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 03/03/2017
David VERDIER
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Répertoire à l’œuvre
RĂ©jouissant hommage
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Moins immédiatement populaire que l'Orfeo et Poppée, ce Ritorno est l'œuvre la moins fréquentée de la trilogie monteverdienne. C'est sans ménagement qu'elle est livrée à l'entreprise d'une traduction scénique pop et choc qui atteint parfois sa cible et prend souvent le risque de verser dans la facilité.
Lovée dans ses draps, Pénélope se lamente d'un époux fictif qui l'a délaissée voici maintenant vingt ans. Au-dessus du lit, un espace dissimulé par des rideaux qui donne à voir le vaisseau des Phéaciens qui fend les flots et ramène le héros à Ithaque, puis s'ouvre à nouveau pour montrer un désopilant bar de l'Olympe, où les dieux en piteux état décident de l'avenir du monde entre deux bières et un jeu de fléchettes.
Neptune y console son Polyphème désormais borgne, tandis que Jupiter pousse du ventre contre des déesses-serveuses en tenue léopard. Cet humour inoffensif et bon enfant va comme un gant à une mythologie revue et corrigée à la sauce Tarentino. On y retrouve l'atmosphère du délirant restaurant vu à Strasbourg dans la Liebesverbot du jeune Wagner. Mal conseillée par sa servante Euryclée qui la pousse dans les bras des prétendants en costumes de mafieux, Pénélope doit également supporter les soupirs d'extase de ses domestiques Mélantho et Eurymaque, en proie à un rut ithyphallique excité par la frigidité de la maîtresse de maison.
On a installé dans le palais d'Ulysse de prosaïques distributeurs de billets et de sodas, comme pour mieux figurer la déchéance vulgaire et mercantile qui règne désormais. Vulgarité également pour camper le personnage d'Irus le glouton, qui promène ses hamburgers et ses détritus. Dans la même veine, les spectateurs parient des sommes d'argent pendant la scène du concours de force qui verra les prétendants se succéder pour tenter de bander l'arc d'Ulysse.
Ulysse justement, que Mariame Clément imagine crâne glabre et robe de derviche tourneur et qui, pour dissimuler son identité, se badigeonne le visage en blanc et arbore une fausse barbe tel un méchant dans les films muets de Chaplin. Les idées ne manquent pas mais leur accumulation tourne à la surcharge, tandis que certaines scènes telles les duos et les grands monologues recitar cantando peinent à faire oublier qu'on traverse de longs tunnels d'ennui.
Vocalement, il faut une sacrée dose de concentration pour oublier Rolando Villazón, englué dans un rôle-titre à l'expression totalement dégingandée, sans autre possibilité que d'aller chercher dans quelques trucages une façon d'en dissimuler les défauts. Les prises d'air sont aboyées, ébranlant la tenue de la ligne dans les changements de registres. Fort heureusement, il y a parmi les cinq ténors environnants largement de quoi compenser (et remplacer ?) le défaillant héros.
Face à lui, la Pénélope bien chantante de Magdalena Kožená semble affronter l'épreuve, drapée dans une dignité vocale à fleur de notes. La voix est superbe et élancée mais c'est une impression de neutralité d'expression qui domine à l'écoute. L'Eumée de Kresimir Spicer ranime les mânes de son inoubliable Ulysse aixois, et Mathias Vidal est un Télémaque virulent et expressif, prêt à en découdre et d'une naïveté touchante dans l'expression de son amour filial.
Le couple Isabelle Druet (Mélantho) Emiliano Gonzalez Toro (Eurymaque) conjugue des timbres frais et une présence scénique remarquable. Anne-Catherine Gillet campe une espiègle et facétieuse Minerve, étourdissante de brio dans la maîtrise de ses aigus. Remplaçant au pied levé et de belle manière une Elodie Méchain touchée par une grippe qui aura contaminé à peu près tous les chanteurs durant les répétitions, c'est Mary-Ellen Nesi qui fait un détour salvateur par Paris sur la route de son Euryclée bruxelloise. Jörg Schneider est un Irus à la trivialité bienvenue, contenue par une rigueur technique époustouflante. Le Neptune de Jean Teitgen rivalise de puissance avec le Jupiter de Lothar Odinius tandis que la voix de basse de Callum Thorpe (Le Temps et Antinoüs) emporte tous les suffrages.
Emmanuelle Haïm fait une belle démonstration de force à la tête de son Concert d'Astrée. Le geste est comme souvent vif et parfois anguleux, au détriment d'une certaine opulence. L'oreille est immanquablement attirée par la fougue des pupitres de cordes, magnifiée par la virtuosité insensée du percussionniste Sylvain Fabre, capable de faire tenir un univers tout entier au bout de ses doigts.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 03/03/2017 David VERDIER |
| Nouvelle production du Retour d'Ulysse de Monteverdi dans une mise en scène de Mariame Clément et sous la direction d'Emmanuelle Haïm au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Claudio Monteverdi (1567-1643)
Il Ritorno d'Ulisse in patria, dramma in musica en trois actes (1640)
Livret de Giacomo Badoaro
Le Concert d’Astrée
direction : Emmanuelle HaĂŻm
mise en scène : Mariame Clément
décors et costumes : Julia Hansen
Ă©clairages : Bernd Purkrabek
Avec :
Maarten Engeltjes (L'Umana Fragilità / Pisandre), Katia Valletaz (Amore), Anne-Catherine Gillet (Amore / Minerva), Callum Thorpe (Il Tempo / Antinoo), Rolando Villazón (Ulisse), Magdalena Kožená (Penelope), Mathias Vidal (Telemaco), Isabelle Druet (Fortuna / Melanto), Emiliano Gonzalez Toro (Eurimaco), Jörg Schneider (Iro), Mary-Ellen Nesi (Ericlea), Kresimir Spicer (Eumete), Lothar Odinius (Giove / Anfinomo), Jean Teitgen (Nettuno), Katherine Watson (Giunone). | |
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