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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Entrée au répertoire de l’Opéra de Paris de la Fille de neige de Rimski-Korsakov, dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov et sous la direction de Mikhaïl Tatarnikov.
Échappée slave
Une pittoresque évasion dans une Russie imaginaire mais au folklore typique. Musique et livret de Rimski-Korsakov d’après Ostrovski, mise en scène et direction des Russes Dmitri Tcherniakov et Mikhaïl Tatarnikov, Fille de neige d’Aïda Garifullina, contre-ténor ukrainien, l’œuvre et ses interprètes enchantent une échappée authentiquement slave.
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« J’aime et je fonds », s’écriera Snegourotchka, enfin touchée par la grâce d’éprouver des émotions. Et sous les rayons du soleil la Fille de neige disparaîtra dans son extase. Auparavant, que de déboires parmi les fêtes en ce village du Bérendéïs ! Ne le cherchez pas sur une carte, il n’existe pas. C’est un conte que nous offre Rimski-Korsakov avec ce troisième opéra des quinze qu’il a composés.
Le compositeur en a écrit lui-même le livret à partir de la pièce du dramaturge Alexandre Ostrovski. Inspiré du paganisme slave, il mêle à l’imaginaire une réflexion sur l’amour, donnant aux mots leur importance sans pour autant les alourdir. La mise en scène que nous en propose Dmitri Tcherniakov le suit fidèlement, mêlant à une époque d’avant l’histoire quelques éléments contemporains qui n’ajoutent rien.
Une place de village entourée de petites isbas où s’insère une roulotte contemporaine nous accueille. Hommes, femmes et enfants vont et viennent. Mais quand le rideau s’abaisse puis se lève sur le Prologue, autre décor. Dans une salle de répétitions anonyme, Dame Printemps en longue robe majestueuse, le père Gel en imperméable Burberry, leur fille Fleur de neige en socquettes blanches prouvent que les modes ne comptent pas.
Les trois voix typiquement russes de la première, Elena Manistina, dont le vibrato accusé n’abîme ni la présence ni sa maîtrise du plateau où les enfants tels des oiseaux sont venus la rejoindre, chœurs enjoués, mîmes frétillants, de Vladimir Ognovenko, la basse ferme et convaincue en harmonie avec le mezzo-soprano de celle qui voilà seize ans lui fit un enfant, et d’Aïda Garifullina, la fraîcheur telle une promesse de la liberté qu’elle revendique et du bonheur qu’elle veut trouver, le naturel, l’aisance, la couleur de ces timbres compensent la fadeur anonyme et provisoire de cette scène actualisée au goût du jour.
Heureusement, le folklore reprend ses droits dès l’arrivée de Snegourotchka chez les Berendeïs, habitants d’une Russie imaginaire et intemporelle que Tcherniakov sait rendre éternellement vraie. Nous nous retrouvons sur la place du charmant village déjà vu en cette fin de l’hiver où se célèbre l’arrivée du printemps. Paganisme bon enfant du peuple où chante le jeune berger Lel, merveilleux contre-ténor dont les chansons séduisent Fleur de Neige et ceux qui l’entourent. Yurly Mynenko est tout simplement merveilleux, la grande, virile et juvénile silhouette nimbée d’une voix chaleureuse et puissante à l’aise sur toute sa tessiture. Quant à Fleur de neige, Aïda Garifullina l’incarne avec toutes les nuances impliquées dans son ambiguïté onirique, son innocence affirmée en vocalises aériennes et sa froideur touchante malgré son pantalon et ses bottes.
À l’opposé, physique, instinctive et sensuelle, Koupova sait aimer. La présence de Martina Serafin s’impose brillamment. Ses fiançailles puis leur rupture donnent lieu à des rites populaires débordant de réalisme. Comme ceux qui entourent le vieux Tsar bienveillant, découvert en train de peindre au milieu de ses sujets. Maxim Paster, ténor lui aussi ukrainien, semble pétri de sagesse pour régler les conflits provoqués par Mizguir, amoureux de l’une puis de l’autre. Dans ses ardeurs, Thomas Johannes Mayer s’agite un peu trop, mais inutile d’en écrire davantage, le spectacle découvre ses plaisirs élémentaires, désirs et sentiments en toute naïveté. À la mode présente, quelques danseurs nus se remarquent parmi les tenues d’autrefois ou d’aujourd’hui.
Portés par la musique suggestive de ce « conte de printemps », elle aussi typiquement russe, les personnages sont tous à leur juste place. La direction d’acteurs veille à l’authenticité de chaque détail et l’entente entre l’orchestre et les voix va de soi. À leur tête, Mikhaïl Tatarnikov donne ses belles couleurs à la partition chérie de son auteur, où cor et flûte élèvent des chants troublants parmi les leitmotive évocateurs. On peut seulement regretter que les moments inquiétants de ce conte ne le soient pas plus, tant dans la fosse que sur scène, et quelques longueurs dans cette échappée authentiquement slave.
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Opéra Bastille, Paris Le 17/04/2017 Claude HELLEU |
| Entrée au répertoire de l’Opéra de Paris de la Fille de neige de Rimski-Korsakov, dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov et sous la direction de Mikhaïl Tatarnikov. | Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908)
La Fille de neige, conte de printemps en un prologue et quatre actes
Livret du compositeur d’après Alexandre Ostrovski
Maîtrise des Hauts de Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : MikhaĂŻl Tatarnikov
mise en scène & décors : Dmitri Tcherniakov
costumes : Elena Zaytseva
vidéo : Tieni Burkhalter
préparation des chœurs : José Luis Basso
Avec :
Aïda Garifullina (Fleur de neige), Yuriy Mynenko (Lel), Martina Serafin (Koupava), Maxim Paster (le Tsar Bérendeï), Thomas Johannes Mayer (Mizguir), Elena Manistina (Dame Printemps), Vladimir Ognovenko (le père Gel), Franz Hawlata (Bermiata), Vasily Gorshkov (le bonhomme Bakoula), Carole Wilson (la Bonne femme), Vasily Efimov (l’Esprit des bois), Julien Joguet (la Chandeleur), Vincent Morell (Premier héraut), Pierpaolo Palloni (Second héraut), Olga Oussova (Page du Tsar). | |
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