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CRITIQUES DE CONCERTS |
14 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Lohengrin de Wagner dans une mise en scène de Louis Désiré et sous la direction de Daniel Kawka à l’Opéra de Saint-Étienne.
Lohengrin en lévitation
Avec du renfort pour atteindre quatre-vingts instrumentistes et soixante choristes, l’Opéra de Saint-Étienne réussit un Lohengrin exemplaire sur le plan orchestral et choral. La distribution presque intégralement française met en avant l’Ortrud de Catherine Hunold en plus du Lohengrin de Nikolai Schukoff, dans une mise en scène sombre de Louis Désiré.
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Il faut oser programmer Wagner en France et si l’Opéra de Paris ne contourne pas la difficulté, les autres salles y réfléchissent à deux fois non seulement à cause des coûts et des besoins techniques, mais aussi parce que l’assurance d’une salle remplie pour l’occasion n’est pas non plus une évidence. Le directeur de l’Opéra de Saint-Etienne n’a pourtant pas hésité à monter Lohengrin, malgré des baisses de budget drastiques.
Il faut cependant admettre que le résultat est exemplaire dès le prélude, parfaitement géré par un Daniel Kawka exaltant les effets mystérieux du drame. Il est pour cela assisté de cordes lyriques dont se démarquent les premiers violons, superbes dès l’entrée dans les leitmotive principaux liés au fils de Parsifal. La petite harmonie mérite également citation, cor anglais, hautbois et bassons en tête, en plus de cuivres absolument impeccables tout au long de la soirée. Les mêmes éloges se justifient pour le chœur préparé par Laurent Touche, avec des voix masculines idéales dès la scène du roi Heinrich. Les femmes passionnent tout autant, elles aussi rigoureusement en rythme tant en petit groupe que dans les chœurs mixtes.
La distribution trouve un Nikolaï Schukoff trop peu utilisé en France, même si l’on se souvient de son Parsifal à Lyon en 2012 puis de son récent Eléazar dans la même salle. Il lui arrive de crier quelques aigus, mais le texte comme le rôle maîtrisés de bout en bout assurent dès la première phrase de Nun sei bedankt une interprétation de haute tenue. Son In fernem Land à la scène finale a déjà trouvé voix plus émotionnelle, mais Mein lieber Schwann retient spécialement l’attention.
À part Schukoff, tout le reste du cast est français. Il faudra donc parler d’une Catherine Hunold déjà entendue entre autre à Rennes et Nantes dans le rôle d’Ortrud. Son assise dans le bas-médium associée à une ligne de chant droite et sans vibrato lui permettent d’exploser dans l’aigu sans jamais faillir. Il manque peut-être un semblant de maîtrise de la langue venant encore altérer le legato à l’occasion, mais elle rend assurément son personnage marquant. Elle accompagne Laurent Alvaro dont le Telramund noir et bien porté montre en revanche une diction plus grossière.
Cécile Perrin s’attèle aux rôles lourds et après Léonore à Rennes, elle attaque Elsa avec un vibrato prononcé et un aigu tendu l’amenant parfois aux limites de ses capacités. La chanteuse est toutefois sensible et réussit à toucher dans son long duo avec Lohengrin. Nicolas Cavallier maîtrise un Heinrich bien posé dans le grave, dans une production où il est plus associé à un général qu’à un roi, quand le Héraut de Philippe-Nicolas Martin présente un timbre agréable pour porter chacune de ses interventions.
La mise en scène de Louis Désiré destinée à être partagée avec Marseille la saison prochaine intègre l’histoire sous les guerres bismarckiennes, sans visibilité autre que les costumes XIXe. Au premier acte sont placés en fond de scènes deux blocs, l’un avec des armures et l’autre avec de vieux livres, sans doute pour développer l’idée de la Grande Allemagne culturelle et militaire, sans que le concept ne resserve vraiment ensuite. Le cygne, représenté par un homme peint en blanc avec des ailes sur le dos, arrive en même temps que Lohengrin et se jette d’abord dans les bras d’Ortrud, avant de l’abandonner pour se tourner vers Elsa.
Pour magnifier cette proposition, les décors de qualité de Diego Méndez Casariego bénéficient surtout des splendides éclairages de Patrick Méeüs, deux ou trois faisceaux blanchâtres instillant dès qu’il le faut la présence d’un cygne en lévitation dans la salle. Plus qu’à l’animal, on pense alors à une présence mystérieuse et mystique, magnifiquement développée par la musique en fosse.
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