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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Medea de Reimann dans la mise en scène de Benedict Andrews et sous la direction de Steven Sloane à la Komische Oper de Berlin.
Réfugiée berlinoise
Créé en 2010 à Vienne dans une production reprise cette saison, Medea d’Aribert Reimann trouve à la Komische Oper une scène émaillée d’images fortes due à Benedict Andrews. Les chanteurs de l’ensemble tiennent avec intelligence et caractère leurs partitions, quand en fosse la direction de Steven Sloane manque parfois de résistance dans les cordes.
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S’il est encore besoin de l’évoquer, la nouvelle production de Medea à la Komische Oper prouve une fois de plus l’importance d’Aribert Reimann sur la scène internationale. Cette seconde mise en scène de l’opéra intervient en plus au même moment qu’une nouvelle production d’un autre opéra du compositeur allemand, Die Gespenstersonate, organisée par la Staatsoper de Berlin.
Par rapport à la première proposition scénique de Marco Arturo Marelli pour la Wiener Staatsoper, celle de Benedict Andrews dans la capitale allemande se montre beaucoup plus théâtrale. La scène dépouillée est jonchée d’un terreau meuble fait en partie de copeaux de bois, évoquant les cendres utilisés à la scène finale de la Médée revue par Simon Stone au théâtre, ou encore la terre utilisée par Ostermeier dans son Hamlet pour la Schaubühne voisine. De cette surface terreuse, l’héroïne y cherchera à creuser sa tombe et à s’y enfoncer, avant de s’en relever pour y égorger à vif ses deux enfants et les ensevelir ensuite.
Au-dessus d’elle, la maison de son bonheur perdu n’est faite que de filins blancs, qu’elle coupera avec le même fatal couteau juste avant la scène finale, scène marquée aussi par la torche vivante faite de véritables flammes du manteau prenant feu sur Kreusa, tandis qu’auparavant tous les chanteurs s’étaient recouverts le visage de masques de cire, aptes à cacher leur souffrance sous une surface lisse mais peu rassurante.
Comme s’ils étaient déjà condamnés avant d’être nés, les enfants sont représentés par deux poupées de cire bougées par les acteurs du plateau, représenté principalement par les chanteurs de l’ensemble berlinois. Nicole Chevalier y représente une Médée jeune, différente de la créatrice du rôle Marlis Petersen en cela que la voix présente plus de souplesse, même si la partition un peu trop monochrome la pousse à rester surtout dans les lignes tendues du registre suraigu. Nadine Weissmann présente une Gora idéale, sensible et travaillée dans le bas-médium, capable de tendre la voix vers l’aigu quand demandé.
En face d’elles, les deux femmes trouvent une Kreusa au timbre étonnamment brillant d’Anna Bernacka, dont la vocalité ramène souvent plus à un style de soprano dramatique qu’à une mezzo. Son amant puis mari Jason, Günter Papendell, est annoncé malade. On prépare même dans le côté un pupitre en seconde partie pour qu’il joue pendant qu’un autre chante. Il tiendra pourtant toute la soirée avec une voix marquée sans jamais être totalement détruite, surtout dans un médium bien projeté et agréable. Le grave est plus touché, mais cette prestation plus qu’honorable développe le caractère blessé du rôle.
Ivan Turšić en Kreon complète la distribution avec de beaux graves et Eric Jurenas campe un Herold contre-tĂ©nor tout Ă fait Ă l’aise avec les hauteurs de sa partition, sans ĂŞtre aussi marquant que Daichi Fujiki Ă Vienne quelques mois plus tĂ´t. Ă€ cette distribution homogène et qualitative, il faut ajouter la direction prĂ©cise de Steven Sloane, dont l’impact particulier lors des climax et parties de bois et de percussions trouve moins de puissance avec les cordes, rauques ou chaudes si besoin, mais jamais assez tendues pour maintenir en permanence une ambiance nerveuse nĂ©cessaire si l’on veut exploiter totalement la partition.
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