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CRITIQUES DE CONCERTS 27 avril 2024

RĂ©cital de la pianiste Mitsuko Uchida au festival de Salzbourg 2017.

Salzbourg 2017 (3) :
Le poète parle

© Marco Borrelli

Qu’ont en commun les Kreisleriana et la Sarabande de la Cinquième Suite française ? Pas plus a priori que la Sonate facile de Mozart et la Fantaisie de Schumann. Mais c’est tout le talent de Mitsuko Uchida de déployer dans cet épineux programme un style absolument unitaire atteignant à l’épure de pièces dont l’élaboration formelle s’efface au profit du noyau universel.
 

Haus fĂĽr Mozart, Salzburg
Le 15/08/2017
Thomas COUBRONNE
 



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  • Une basse d’Alberti ressassĂ©e dans un do majeur usĂ© ? Un arpège, des appoggiatures Ă©limĂ©s par des dĂ©cennies de Kleine Nachtmusik trop entendue ? Pas du tout. Dès la première note de la soirĂ©e, le ton est donnĂ© : l’intĂ©rioritĂ© sera le maĂ®tre mot. Pas d’éclat, peu de brillant, un humour Ă  peine doux-amer, l’Allegro de la Sonate facile de Mozart par Uchida lorgne la Romance du Concerto en rĂ© mineur, oĂą la nuditĂ© du matĂ©riau musical, la facture lisible se gorgent de sens, d’une forme de quintessence de l’émotion.

    La pédalisation extrêmement subtile n’essaie pas de faire XVIIIe, mais laisse en toute transparence un rubato soigné baigner d’expressivité à fleur de peau cette musique régénérée de délicatesse. Après un Andante sur le fil, touché par la grâce, les pieds de nez du Rondo sont scandés dans un esprit pas si éloigné de Haydn, mais – suprême élégance – terminés sur la pointe des pieds.

    Les grands éclats seront réservés à Schumann, sans tapage, avec un soin de la charge, de la densité des accords, voix intermédiaires en permanence mises en lumière, avec surtout un art de parler à la première personne qui est au fond le cœur de cette musique. Saturée de références autobiographiques et littéraires bien connues, elle oscille en effet entre l’héritage de Beethoven – le rôle obsessionnel de la cellule élémentaire – et une sensibilité mahlérienne – l’équivoque saveur du chagrin, l’objectivité du matériau musical rétif au cadre intellectuel de la forme. Entre ces deux pôles, Uchida défend une lisibilité polyphonique captivante dans une rythmique rhapsodique où parle le poète à travers un cahier comme les Kreisleriana.

    Après un n° 1 ombrageux, grave, on tremble pour le thème hymnique du n° 2, menacé en permanence par des harmonies chromatiques, périlleux voyage vers la transparence. Puis vient un dramatique n° 3, tout sauf endiablé, mais au médium corsé, puis un lunaire n° 4 où l’on croit entendre le poète des Scènes d’enfants descendre au sépulcre, avant une hymne intense. N° 5 scandé, violent, jamais dur, et le labyrinthe harmonique du n° 6 où la musique est comme attirée vers un trou noir. L’hymne reparaît dans le n° 7, traversant un tourbillon constellé de marches de septième avant un n° 8 de brûlante interrogation au mètre presque binarisé.

    Après la pause, la Sonatina facile de Jörg Widmann, pastiche de fragments disloqués et du plan tonal de la sonate de Mozart de la première partie, pourrait être insignifiante, si Uchida n’y soulignait cette cohérence qui nous avait jusque-là échappé entre Mozart et Schumann : derrière l’évidence formelle du divin Amadeus aussi, quelqu’un parle à la première personne. On reconnaît ainsi dans l’Andante, à côté de bribes du Lacrymosa, cette écriture festonnée à la croisée d’Alberti et du cantus firmus dont Schumann fait si volontiers un sublime emploi.

    Il n’est que de parachever le programme avec la monumentale Fantaisie op. 17, préfigurant Wagner – le prélude de Tannhäuser. Rythme de gigue hérité des suites de Bach, héroïsme mahlérien impossible d’une musique butant sur les ruptures harmoniques, thème de cœur en ut majeur (C comme Clara) réexposé en mib majeur (ES, S comme Schumann), Uchida y réserve le plus beau pianissimo de la soirée pour l’ineffable épisode en lab majeur du troisième mouvement, le rêve et la nuit des romantiques, unifiant tous ces éléments dans un même style, un même récit.

    La Sarabande de la Suite française n° 5 donnée en bis couronne l’évidence d’un propos maîtrisé et bâti sur une compréhension profonde de l’histoire de la musique, mais aussi une authenticité d’interprète presque tangible.




    Haus fĂĽr Mozart, Salzburg
    Le 15/08/2017
    Thomas COUBRONNE

    RĂ©cital de la pianiste Mitsuko Uchida au festival de Salzbourg 2017.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Sonate pour piano n° 16 en ut majeur KV 545, « Sonate facile Â»
    Robert Schumann (1810-1856)
    Kreisleriana, op. 16
    Jörg Widmann (*1973)
    Sonata facile
    Robert Schumann
    Fantaisie en ut majeur op. 17
    Mitsuko Uchida, piano

     


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