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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Thomas Hengelbrock à la Philharmonie de Paris.
La dette envers le passé
Chef associé à la direction musicale de l’Orchestre de Paris, Thomas Hengelbrock a récemment enchaîné plusieurs programmes et revient devant la formation pour deux compositeurs classiques par excellence, Haydn et Beethoven, afin d’y montrer tout ce qu’ils doivent aux formes du passé. Si la réalisation est irréprochable, le résultat manque toutefois d’ampleur.
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Même si une pièce médiane est surnommée les Adieux, c’est bien par la n° 104 titrée plus tard Londres que Joseph Haydn quitte définitivement la symphonie, alors âgé de soixante-trois ans. L’œuvre s’en ressent particulièrement dans le Finale, avec un thème récurrent qui s’entête pour ne pas disparaître. Pour autant, Thomas Hengelbrock avec son style bien particulier issu de l’école baroqueuse allemande ne cherche pas l’avenir ni la modernité dans cette partition, mais bien à montrer ce qu’elle doit au passé.
Loin de l’école baroque française souvent pleine d’idées floues, le geste de l’Allemand est à l’inverse d’une rigueur indiscutable, le staccato très net et le délié marqué, tout cela afin d’identifier précisément chaque note et chaque ligne de l’écrit. Mais si l’Adagio introductif et les coups tranchés du tutti en introduction puis les belles interventions de violons se démarquent, le fait de s’interdire tout écart à la partition et de ne jamais jouer sur le volume sonore ni sur le souffle finit par lasser. L’Andante et plus encore le Menuetto, déjà anticipateurs des ouvrages de Mendelssohn quelques décennies plus tard, permettent de profiter d’un Orchestre de Paris parfaitement préparé et d’une magnifique petite harmonie.
Jouée dans la même optique, l’Héroïque de Beethoven ne tend pas non plus vers l’avenir, mais cherche à l’inverse à montrer comment le génie de Bonn a révolutionné la symphonie tout en se servant des formes baroques. Exactement comme dans la pièce de Haydn, les attaques franches de l’introduction impressionnent et présentent des cordes parfaites, en plus d’une célérité ajustée au sentiment baroque d’une époque qui jouait les œuvres plus rapidement qu’aujourd’hui. Non cités séparément précédemment, chaque premier pupitre de la petite harmonie est encore une fois délectable, tout particulièrement le basson et le hautbois.
Dans un tel contexte, chaque phrase retient l’attention, même si là encore jamais le volume sonore n’est amplifié, alors que dans une Philharmonie moderne faite pour encaisser les forte et permettre de véritables piani, il pourrait y avoir une adaptation du jeu, même dans un discours volontairement retenu. Surtout, l’absence totale de rubato semble moins adaptée à Beethoven qu’à Haydn, notamment dans une Marche funèbre traitée comme celles écrites par Purcell plutôt que par un romantique révolutionnaire qui annonce par cette Troisième tous les développements de la symphonie dans les siècles suivants.
Le résultat est donc irréprochable en termes de qualité artistique, mais passionnera avant tout les auditeurs privilégiant ces œuvres jouées par des Hogwood ou Harnoncourt auparavant, pour lesquels Thomas Hengelbrock sera aujourd’hui le chef parfait dans cette continuité à renouveler notre vision de ces œuvres, dans une optique baroque.
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Philharmonie, Paris Le 16/11/2017 Vincent GUILLEMIN |
| Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Thomas Hengelbrock à la Philharmonie de Paris. | Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie n° 104 « Londres »
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 3 en mib majeur op. 55 « Eroica »
Orchestre de Paris
direction : Thomas Hengelbrock | |
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