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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
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Le Voyage d’hiver de Schubert par Mark Padmore accompagné au piano par Mitsuko Uchida à l’Opéra national du Rhin.
Voyage en noir et blanc
Venu de Berlin où il donnait ce Winterreise aux côtés du pianofortiste Kristian Bezuidenhout (qu'il retrouve à Amsterdam en janvier prochain), le ténor Mark Padmore intègre pour un unique récital à l'Opéra du Rhin la pianiste japonaise Mitsuko Uchida. Cette première collaboration met en lumière un ensemble de points déjà observés dans le passé.
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Désormais célèbre pour ses interprétations de l'Évangéliste dans les Passions de Bach, Mark Padmore fréquente ce cycle de lieder depuis plus de dix ans, comme en témoigne son enregistrement avec Paul Lewis chez Harmonia Mundi. Une soirée donnée salle Gaveau en 2011 aux côtés de Till Felner, laissait déjà planer quelques ombres sur la compatibilité entre cette concentration musicale en forme d'ascèse et le timbre si particulier de cette voix de ténor rompu au répertoire baroque.
On entre à reculons dans ce Winterreise comme dans une eau glacée, à l'image de cette entame de Gute Nacht qui cueille la voix à froid. Padmore cherche encore ses marques, l'émission très haut placée dans le masque avec des intonations incertaines. Une série de e ouverts et de légers décalages émaillent Erstarrung, pris trop vite, tandis que des tensions dans l'aigu laissent affleurer la fragilité de Wasserflut. Si l'absence de vibrato amoindrit et amincit le trait, elle se conjugue dans le registre médian à une densité expressive de bel aloi, comme dans Der Lindenbaum ou dans l'oscillation parfaite de Auf dem Fluße.
La texture et la suspension du piano ne laisse d'émerveiller, notamment dans Rast, Frühlingstraum ou Einsamkeit, quand le flux s'élargit en laissant les contours de la voix s'épancher avec naturel. D'autres moments rythmiquement plus périlleux font apparaître des décalages piano-voix et des changements de registres problématiques (Mut), ce qui n'est évidemment pas le cas dans des lieder comme Der greise Kopf et Die Krähe, sommet de cette soirée et alliage parfait entre timbre et texte.
Ni les notes attaquées en dessous (Täuschung) ni la relative instabilité dans les tenues (Der Wegweiser) ne pourront entacher l'impression terminale d'une parfaite et très maîtrisée élévation vers une lumière opaline : l'éther de Nebensonnen et surtout la concision un brin rugueuse du Leiermann.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 09/12/2017 David VERDIER |
| Le Voyage d’hiver de Schubert par Mark Padmore accompagné au piano par Mitsuko Uchida à l’Opéra national du Rhin. | Franz Schubert (1797-1828)
Winterreise D 911
Mark Padmore, ténor
Mitsuko Uchida, piano | |
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