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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Nouvelle production d’Hänsel et Gretel de Humperdinck dans une mise en scène d'Emmanuelle Bastet et sous la direction musicale de Thomas Rösner à l'Opéra national de Lorraine.
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C'est au cinéma que l'on pense dans ce Hänsel et Gretel d'Emmanuelle Bastet à l'Opéra de Nancy. La forêt de lampadaires dans la première partie évoque les bouquets de muguet que Jacques Tati imaginait à la fin de Playtime, tandis que les interventions des chats et des souris dans un décor de gâteaux géants sortent tout droit d'une scène de Jacques Demy.
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La modestie de la chaumière se lit dans les assemblages de poubelles qui servent d'humble demeure à Hänsel et Gretel, poésie urbaine que l'on doit à Barbara de Limburg, qui est également la décoratrice de Laurent Pelly. En choisissant de faire du conte pour enfants une fable moderne, rien d'étonnant au fait de retrouver les protagonistes vêtus en casual wear, affublés d'un jeu d'acteur empreint d'un jeunisme souligné pour tenter de faire oublier que les rôles sont tenus par deux adultes.
L'univers du conte initiatique est confondu avec une lecture sociale qui tendrait à faire de cette famille miséreuse cherchant à se débarrasser de sa progéniture un écho de la chronique faits divers. En attendant, on organise dans ce décor austère des batailles de polochons, des cueillettes de fraises dans les poubelles, tandis que le Marchand de sable fait irruption sur scène en soulevant une plaque d'égout, jetant en l'air une pluie de paillettes qui annonce l'univers kitsch de la seconde partie.
La présence du bestiaire chats-souris déroule une tapisserie décorative de gestes et de grimaces qui donne une coloration enfantine sans orienter efficacement une lecture dramaturgique. En témoigne ce gros chat blanc qui tient compagnie à la Sorcière, commentaire pantomime d'une cruauté dissimulée sous les montagnes des gâteaux et de sucreries. Le renversement symétrique entre les deux parties met en regard pauvreté et opulence, laideur grise et bonheur rose-sucré.
La Sorcière est une vieille dame indigne, buvant son thé dans un canapé suspendu au-dessus de la scène. Prisonniers dans un étrange garde-manger à l'arrière-scène, d'autres enfants victimes dorment sous d'immenses cloches de verre. Agitant sa baguette magique en forme de fouet de cuisine, la Sorcière lance son hocus pocus, troquant sa robe et son chapeau vintage avec une truculente robe-fourreau, porte cigarette et boa rose. Plus vamp décatie que cruelle gourmande, elle disparaît dans la porte minuscule d'une étonnante cuisinière qui la transforme illico en barbe-à -papa tandis que les enfants sont libérés de leur prison de verre.
Fidèle disciple de Richard Wagner, Humperdinck s'en tient à une matière musicale qui ne renie pas l'univers sonore du maître de Bayreuth mais n'exige pas pour autant des voix d'un volume délirant. Le couple Hänsel-Gretel est très équilibré, que ce soit par la fraîcheur et l'intensité des aigus de Marysol Schalit ou les sombres reflets de la voix de mezzo de Yete Queiroz – toutes deux très convaincantes dans le jeu d'acteur.
Josef Wagner est un Père tonnant et déclamant, alternative à la douleur sensible et vibrante de la Mère de Deirdre Angenent. Jennifer Courcier ne parvient ni en Marchand de sable ni en Fée Rosée à faire oublier l'acidité et l'étroitesse de ses aigus. C'est la Sorcière de Carole Wilson qui tire à elle la couverture et les acclamations du public. Si l'actrice est impayable d'humour (elle était Bobylikha dans la Fille de neige à Bastille), la voix n'est pas pour autant épargnée par des accents poitrinés et des trucages d'assez mauvais aloi.
Mention spéciale au chœur d’enfants du Conservatoire régional de Grand Nancy, préparé de belle manière par Marguerite Adamczewski. Placé sous la direction de Thomas Rösner, l'Orchestre symphonique et lyrique de Nancy déploie en fosse des trésors de lyrisme et de contrastes, particulièrement dans les enchevêtrements melliflus et le dynamisme des transitions orchestrales.
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