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CRITIQUES DE CONCERTS 14 octobre 2024

Reprise du Barbier de Séville de Rossini dans la mise en scène de Damiano Michieletto et sous la direction de Riccardo Frizza à l’Opéra de Paris.

Le Barbier de Grand-Papa
© Guergana Damianova

Dans sa mise en scène sans surprise de 2014, la production Michieletto du Barbier retrouve toute sa verve sous la direction de Ricardo Frizza. La faconde et la musicalité jubilatoire des interprètes, orchestre et chanteurs excellents, rendent justice à l’inspiration de Rossini malgré l’agitation qui règne dans un décor tel qu’on les prisait autrefois.
 

Opéra Bastille, Paris
Le 24/01/2018
Claude HELLEU
 



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  • Une rue foisonnante de couleurs et de scènes d’un quotidien populaire, figurants prenant l’air aux fenĂŞtres oĂą sèche le linge, sur le trottoir, Ă  la terrasse du bistrot-glacier. Après une ouverture irrĂ©sistiblement interprĂ©tĂ©e par l’Orchestre de l’OpĂ©ra, violons aĂ©rĂ©s, d’une Ă©loquence qui peu Ă  peu s’enflamme sous la direction claire, prĂ©cise, spontanĂ©ment expressive de Riccardo Frizza, le rideau se lève et le regard s’y Ă©gare parmi moult dĂ©tails sans rapport avec l’intrigue mais censĂ©s grouiller de vie, accumulĂ©s sous la fĂ©rule du metteur en scène Damiano Michieletto et de son complice dĂ©corateur, Paolo Fantin. Le cadre est situĂ©.

    Les rapports déjantés des personnages de ce Barbier de Séville mettront un certain temps à émerger de son fouillis. Verve en crescendo, l’acte II triomphera de notre perplexité. Sommes-nous alors habitués à l’agitation qui règne sur le plateau de la Bastille et mieux aptes à en apprécier l’imagination foisonnante ? Au centre des façades tout le long de la rue, celle de l’immeuble de Bartolo, un homme dans la force de l’âge et plutôt séduisant auquel Simone Del Savio prête une lucide intelligence. Et devant sa porte, en short près de sa belle voiture bleue, ou assis sur son capot, ou caché d’un bond dans son coffre, Almaviva organise l’aubade pour sa belle enfermée là.

    RenĂ© Barbera possède la voix et l’aisance du Comte Ă  dĂ©faut d’une allure un tant soit peu aristocratique. Quelle importance vu la qualitĂ© du Bel canto dans l’ambiance voulue de nos jours ? Michieletto prĂ©tend « pĂ©nĂ©trer le cĹ“ur du livret et donner vie Ă  ses personnages Â», mais fait fi de leur origine. Si Beaumarchais dĂ©nonce la sociĂ©tĂ© de son Ă©poque, la fustige, la caricature et la ridiculise avec l’audace qu’on lui connaĂ®t, Rossini s’en inspire et vocalise sa comĂ©die avec autant d’esprit dans une Ă©criture musicale elle aussi typique d’une Ă©poque que cette mise en scène renvoie aux orties.

    Or les rapports de Bartolo et de sa pupille, une Rosine joliment délurée, Olga Kulchynska, la voix agile, un peu trop puissante pour sa jeunesse, l’emprisonnement de la jeune fille, les ruses de Figaro, excellent Massimo Cavalletti, l’obséquiosité d’un Basilio grand et beau, Nicolas Testé lui aussi pénétré de son rôle, ces situations n’ont plus cours et ne gagnent rien à se jouer dans des tenues dépareillées au prétexte fallacieux d’être actualisées.

    Et pourquoi la malheureuse Berta, Julie Boulianne, dont les interventions vocales sont comme toutes celles de cette distribution justes et personnalisées, doit-elle se gratter aussi longtemps et laidement sur le devant de la scène à la fin du I ? Qu’une moto remplace l’auto quand Almaviva emmène sa femme à la fin du II n’étonne plus personne. Qu’un décor tournant présente l’envers sur l’endroit comme au temps de Grand Papa rappelle le bon vieux temps !

    Reste la vitalité des interprètes dans ce décor perpétuellement en mouvement. Demi-tour de la façade, intérieur surchargé des pièces sur trois étages, escaliers extérieur à gauche, intérieur à droite : à nos jeunes chanteurs-acteurs de les grimper, de les dévaler, d’y fuir, d’en surgir. Ils le font si bien, avec tant de naturel physique et vocal, qu’on en oublie toute réserve quant au bien-fondé du délire qui s’ensuit. Et le décor tourne et se retourne, de plus en plus souvent, de plus en plus vite, devient maître du jeu, des rebondissements.

    Déchaînement musical et théâtral vont de pair, réussissent enfin leur mariage, quiproquos et bouffonnerie surenchérissent comme la partition le commande, le public s’amuse, Rossini s’amuse et Beaumarchais aussi, après tout de nos jours encore la situation des femmes demeure critique face à l’homme de pouvoir – du moins c’est ce que certaines prétendent avant de se libérer, vêtues de cuir, grâce à l’homme qu’elles ont choisi. Mais à chacun son opinion, comme devant ce foisonnant et brillant spectacle gentiment daté.




    Opéra Bastille, Paris
    Le 24/01/2018
    Claude HELLEU

    Reprise du Barbier de Séville de Rossini dans la mise en scène de Damiano Michieletto et sous la direction de Riccardo Frizza à l’Opéra de Paris.
    Gioacchino Rossini (1792-1868)
    Il Barbiere di Siviglia, opera-buffa en deux actes
    Livret de Cesare Sterbini d’après Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

    Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
    direction : Riccardo Frizza
    mise en scène : Damiano Michieletto
    décors : Paolo Fantin
    costumes : Silvia Aymonino
    Ă©clairages : Fabio Barettin
    préparation des chœurs : Alessandro Di Stefano

    Avec :
    René Barbera (Comte Almaviva), Simone Del Savio (Bartolo), Olga Kulchynska (Rosina), Massimo Cavalletti (Figaro), Nicolas Testé (Basilio), Pietro Di Bianco (Fiorello), Julie Boulianne (Berta), Olivier Ayault (un Officier).

     


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