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CRITIQUES DE CONCERTS 27 avril 2024

Reprise du Château de Barbe-bleue de Bartók et de la Voix humaine de Poulenc dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski, sous la direction d’Ingo Metzmacher à l’Opéra de Paris.

Femmes Ă  plaindre
© Vincent Pontet

Cet enchaînement de Bartók et Poulenc au prétexte que leurs héroïnes sont des femmes malheureuses se confirme des plus discutables. Si la mise en scène de Krzysztof Warlikowski uniformise un climat sinistre et la beauté musicale des œuvres en triomphe sous la direction d’Ingo Metzmacher, les librettistes imposent des caractères aux antipodes.
 

Palais Garnier, Paris
Le 21/03/2018
Claude HELLEU
 



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  • Le seul point commun des deux opĂ©ras pourrait ĂŞtre le rapport dramatique de deux femmes avec leur homme, Judith, la première, avec celui qu’elle a suivi dans son sombre château, mystĂ©rieux mais puissant Barbe-bleue Ă  la rĂ©putation sulfureuse, la seconde, Elle, avec une abstraction au bout de sa ligne tĂ©lĂ©phonique. Cet assemblage tiendrait presque du sexisme ! Un rĂ©cit unique du Château de Barbe-Bleue et de la Voix humaine ne valorise ni n’articule la diffĂ©rence des situations et des caractères. OĂą se niche le mĂŞme inconscient fĂ©minin revendiquĂ© par le metteur en scène ?

    L’incomprĂ©hension et la solitude vĂ©cues sous nos yeux par ces femmes se confirment incomparables au cours d’une reprĂ©sentation oĂą seul a changĂ© le directeur musical de la crĂ©ation de cette union des contraires. Après Esa-Pekka Salonen, Ingo Metzmacher pourrait noircir plus intensĂ©ment la partition de BartĂłk, exaspĂ©rer le lyrisme sous-jacent aux passions qui s’affrontent dans les admirables dialogues Ă©crits par BĂ©la BalĂ zs en pleine entente avec le compositeur. De ce « premier ouvrage sur la scène de l’opĂ©ra hongrois, dans lequel le chant rĂ©sonne d’un bout Ă  l’autre avec des accents hongrois homogènes et sans accrocs Â», a Ă©crit Kodály, l’angoisse pourrait mieux habiter l’orchestre et les voix. La tension n’est pas Ă  la hauteur de l’extase et du dĂ©chirement qui progressent vers l’abĂ®me tentateur dans la sombre demeure oĂą les murs pleurent.

    Elle ne l’est pas non plus à celle de l’autorité du Duc Barbe-bleue, un John Relyea, belle allure et basse profonde, du genre soumis face à l’autorité de sa jeune épouse, allant jusqu’à s’agenouiller et supplier une Ekaterina Gubanova curieuse et entêtée qu’aucune mise en garde de son maître et seigneur apparemment ne trouble. La voix projette parfaitement ses phrasés, le jeu physique l’accompagne avec la même justesse formelle cependant que, face à sa décision, John Relyea change peu à peu d’attitude et densifie ses alertes. C’est lui, l’homme impuissant face à l’obstination féminine, qui maintenant témoigne de son irrémédiable solitude quand Judith, son dernier espoir, rejoint celles qui l’ont précédée bien qu’il les ait tant aimées.

    C’est de cette solitude masculine, et non de celle de Judith enfermée avec trois autres femmes, qu’Elle prend la suite dans la Voix humaine. Là aussi, même interprète qu’à la création. Barbara Hanigan a fait sien l’interminable monologue dont Cocteau était si fier. Grâce à elle, à la droiture de son phrasé, net, sensible sans jamais sombrer dans une expressivité morbide, à la précision de ses attitudes, grâce à la musique de Poulenc pour les structurer et intéresser notre écoute aux courtes phrases, hachées, ponctuées de points d’orgue, on supporte les plaintes de cette femme abandonnée que nul homme censé n’irait retrouver. Pleurs de femme après pleurs de murs pourraient être une meilleure raison de la juxtaposition des œuvres présentées que le petit nombre d’êtres humains sur scène et le malheur des femmes !

    N’unifient en rien les fins tragiques les vidéos sans portée de Denis Guéguin, les cages de verre qui sortent des parois à chaque porte ouverte du château de Barbe-bleue sans que rien de leur contenu n’intéresse le regard et reviennent, vides, à la fin de la Voix humaine pour qu’un acteur en sang y titube avant de retrouver Elle dans sa chambre un revolver à la main. Mort des deux. Paix à leur âme.




    Palais Garnier, Paris
    Le 21/03/2018
    Claude HELLEU

    Reprise du Château de Barbe-bleue de Bartók et de la Voix humaine de Poulenc dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski, sous la direction d’Ingo Metzmacher à l’Opéra de Paris.
    BĂ©la BartĂłk (1881-1945)
    Le Château de Barbe-bleue, drame lyrique en un acte (1918)
    Livret de Béla Balázs
    Francis Poulenc (1899-1963)
    La Voix humaine, tragédie lyrique en un acte
    Livret de Jean Cocteau
    Orchestre de l'Opéra national de Paris
    direction : Ingo Metzmacher
    mise en scène : Krzysztof Warlikowski
    dĂ©cors et costumes : Małgorzata Szczęśniak
    Ă©clairages : Felice Ross
    vidéos : Denis Guéguin

    Avec : Ekaterina Gubanova (Judith), John Relyea (Barbe-Bleue), Barbara Hannigan (Elle).
     


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