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CRITIQUES DE CONCERTS |
05 octobre 2024 |
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Reprise du diptyque l’Heure espagnole / Gianni Schicchi dans la mise en scène de Laurent Pelly, sous la direction de Maxime Pascal à l’Opéra de Paris.
Le sexe et l’argent
Créés à sept années d’écart, opéras en un seul acte et sans chœur, l’Heure espagnole de Ravel et Gianni Schicchi de Puccini témoignent de deux esthétiques musicales très différentes au début du XXe siècle mais qu’unit un humour burlesque. Laurent Pelly en est le metteur en scène inspiré, chanteurs-comédiens tous excellents sous sa férule décapante.
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Tic- tac, tic-tac, tic-tac… L’entrée décalée des trois métronomes provoque un sourire qui ne quittera plus les heureux spectateurs de cette Heure espagnole mise en scène par Laurent Pelly à l’Opéra Bastille avec toute l’ironie de l’œuvre. Numéros bouffons en série, parodie de conversations soi-disant familières sont vécus tambour battant par ses interprètes, Clémentine Margraine, une Concepcion risiblement en manque de mâle, Philippe Talbot, un Torquemada idéalement distrait, mari aveugle voué à être cocufié, Stanislav de Barbeyrac, un Gonzalve au sommet de la caricature, poète obsédé de son art et amant tant et inutilement attendu, Nicolas Courjal, un Don Inigo Gomez féru de son importance sociale incapable de passer à l’action quand son tour se présente.
Et Jean-Luc Ballestra, un Ramiro muletier aux biceps d’acier et simplicité irrésistible qui se retrouvera évidemment l’heureux élu de la femelle qui le charge et recharge auparavant de monter à sa chambre et en redescendre deux horloges pleines des soupirants beau parleurs, portées à bout de bras avec une aisance confondante, et le bonheur de rendre service à celle qu’il qualifie de femme charmante.
L’euphorie ainsi vécue par cette équipe de jeunes chanteurs comédiens tous français privilégie le spectacle. Si les morceaux lyriques intentionnellement absurdes voulus par Ravel sont une réussite, les effets sonores insolites et amusants d’une partition franchement humoristique disparaissent parfois derrière la malice visuelle. À la tête de l’Orchestre de l’Opéra national de l’Opéra de Paris, Maxime Pascal pourrait souligner davantage les interventions d’instruments inhabituels, les infimes bruits mécaniques et autres sonorités sarcastiques qui scandent son rythme. Des surprises quelque peu estompées, que conclut brillamment un quintette final réunissant vocalises jusqu’alors dédaignées par le compositeur et orchestre jubilatoire dans une euphorie jazzy triomphante.
Après la jalousie d’Il Tabarro, le mysticisme de Suor Angelica, le comique roboratif de Gianni Schicchi consacre le cynisme du dernier volet du Trittico de Puccini. Échappé du Huitième Cercle de l’Enfer où l’avait condamné Dante pour avoir traitreusement pris la place d’un mort et usurpé son testament, c’est avec joie que le rusé paysan Schicchi se glisse dans les draps froids du Florentin récemment décédé qui gisait sous nos yeux et dicte ses volontés. Madré, autoritaire, Artur Rucinski l’incarne avec une parfaite efficacité vocale. Autour de ce lit, l’excellente direction d’acteurs de Laurent Pelly distille la fourberie de chacun des membres d’une famille ordinaire suspendus au montant de l’héritage escompté, parents sagement assis sur leur chaise avant d’en venir aux mains.
On y retrouve Philippe Talbot, Nicolas Courjal, Jean-Luc Ballestra avec Emmanuelle de Negri, Maurizio Muraro, Isabelle Druet et Vittorio Grigolo, alias Rinucio. Ce neveu amoureux de Lauretta, la fille sans dot et interdite du parvenu infréquentable Gianno Schicci, habite sa détermination en phrasés sûrs, chaleureux et bellement portés. Celle-ci, Elsa Dreisig, la voix légère et joliment timbrée, nuance des émotions sincères bienvenues dans cette farce humainement sinistre, même si la musique de Puccini galvanise sa vivacité.
La subtilité avec laquelle cette musique sert le rire se distinguerait mieux encore si l’orchestre accusait moins de fortissimi plus affirmatifs que suggestifs. Mais peu importe finalement que certains des leitmotive révélés par Wagner à l’Italien en fin de vie se fondent alors dans la richesse de sa partition, celle-ci n’en commande pas moins le déroulé d’une supercherie qui met interprètes et spectateurs en joie sous la direction de Maxime Pascal.
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Opéra Bastille, Paris Le 17/05/2018 Claude HELLEU |
| Reprise du diptyque l’Heure espagnole / Gianni Schicchi dans la mise en scène de Laurent Pelly, sous la direction de Maxime Pascal à l’Opéra de Paris. | Maurice Ravel (1875-1937)
L’Heure espagnole, opéra en un acte
Livret de Franc-Nohain
Giacomo Puccini (1828-1924)
Gianni Schicchi, opéra en un acte
Livret de Giovacchino Forzano
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Maxime Pascal
mise en scène, costumes : Laurent Pelly
décors : Florence Evrard, Caroline Ginet
éclairages : Joël Adam
Avec :
L’Heure espagnole : Clémentine Margaine (Concepcion), Stanislav de Barbeyrac (Gonzalve), Philippe Talbot (Torquemada), Jean-Luc Ballestra (Ramiro), Niocolas Courjal (don Inigo Gomez).
Gianni Schicchi : Artur Rucinski (Gianni Schicchi), Elsa Dreising (Lauretta), Rebecca De Pont Davies (Zita), Vittorio Grigolo (Rinuccio), Philippe Talbot (Gherardo), Emmanuelle de Negri (Nella), Nicolas Courjal (Betto), Maurizio Muraro (Simone), Jean-Luc Ballestra (Marco), Isabelle Druet (La Ciesca), Pietro di Banco (Maître Spinelloccio), Tomasz Kumiega (Amantio di Nicolao), Mateusz Hoedt (Pinellino), Piotr Kumon (Guccio), Étienne David (Gherardino). | |
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