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CRITIQUES DE CONCERTS 27 avril 2024

Les Sept péchés capitaux…, triptyque Weill-Schoenberg dans une mise en scène de David Pountney et sous la direction de Roland Kluttig à l’Opéra national du Rhin.

Trois Ĺ“uvres capitales
© Klara Beck

Proposition forte et inventive que ce triptyque Weill-Schoenberg pour un cabaret berlinois de haut vol. Il fallait oser rapprocher des univers en apparence si dissemblables, qui s’avèrent beaucoup plus poreux qu’il n’y paraît ; pari réussi grâce à une équipe en tout point convaincante et une conception d’ensemble cohérente et radicale, tant à la scène qu’à la musique.
 

Opéra du Rhin, Strasbourg
Le 22/05/2018
Thomas COUBRONNE
 



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  • Si l’OpĂ©ra de Quat’sous a marquĂ© une rupture esthĂ©tique dĂ©finitive entre Kurt Weill et Arnold Schoenberg, il ne faudrait pourtant pas oublier que le premier avait souhaitĂ© en 1919 devenir Ă©lève du second, lequel Ă  son tour l’avait recommandĂ© Ă  la Preussische Akademie der KĂĽnste en 1927, le diffĂ©rend dĂ©cisif pouvant plus ou moins se rĂ©sumer Ă  deux conceptions divergentes du rĂ´le de l’artiste : l’art pour l’art selon Schoenberg, l’art pour le peuple selon Weill.

    Respectivement à partir des passerelles entre leurs univers musicaux et dramaturgiques, Roland Kluttig (dirigeant depuis la scène) et David Pountney ont élaboré un cabaret entremêlant la version de chambre du futur Mahagonny, l’ambigu Pierrot lunaire et l’ultime collaboration de Weill et Brecht, Die sieben Todsünden, toutes œuvres ayant en commun une dramaturgie non linéaire, un rapport particulier au parlé, et un vocabulaire hérité du cabaret de la République de Weimar pour lequel (on aurait tendance à l’oublier concernant Pierrot) furent composées les deux premières œuvres.

    Autour du ring de boxe où fut créé Mahagonny – ein Songspiel, une galerie de Doppelgänger des personnages dissolvent des trames narratives déjà bien ténues en une représentation surréaliste, proche de l’univers dada : dès la première partie du , qui sera d’ailleurs scindé en deux afin d’encadrer Pierrot lunaire, ce sont en effet non pas deux mais trois femmes qui fragmentent les rôles principaux, deux chanteuses et une danseuse (le spectacle doit beaucoup à la présence lyrique de Wendy Tadrous, forte et fragile) incarnant simultanément Jessie et Bessie, Pierrot, ou les deux sœurs Anna (personnage unique mais déjà confié dans le livret à une chanteuse et une danseuse).

    Si les tableaux y perdent toute rationalité, c’est au profit d’une désarticulation presque fantasmatique du récit, comme si les œuvres enchevêtrées n’étaient qu’une errance absurde d’alter-égos de l’éternel Pierrot, qui devient ainsi la figure centrale. En jouant tantôt sur l’hermétique, tantôt sur le littéral des poèmes équivoques d’Albert Giraud, la parodie omniprésente établit une correspondance entre Commedia dell’arte, cirque, cabaret, entre clown sanglant et Wanderer mélancolique, entre apparence et réalité, nous renvoyant le reflet du ridicule tragique de notre société de consommation.

    La répartition tout à fait énigmatique des mouvements de Pierrot lunaire, entre une Lenneke Ruiten en froideur germanique, méthodiquement cruelle, mécaniquement caressante, et une Lauren Michelle pulpeuse, ardente, érotique jusqu’à la perversion, à l’allemand glamoureusement exotique, ne laisse place à aucun manichéisme, tant on ne sait qui est victime et qui est bourreau dans cette pantomime monstrueuse et banale – en cela tout à fait brechtienne. On entendrait à peine le changement de compositeur tant l’Orchestre symphonique de Mulhouse (en scène jusqu’à l’entracte) observe une sobre continuité entre les deux univers, qui certainement semblerait fade dans un autre contexte.

    Naturellement, le résultat est inégal, comme dans la succession de numéros de toute revue : les naïvetés s’entrechoquent avec les laideurs, les images poétiques avec la brutalité, les archaïsmes – le quatuor a cappella dans Mahagonny, d’ailleurs un peu raté, même si les quatre hommes se tirent bien de deux partitions redoutables, Roger Honeywell très (trop ?) athlétique et Patrick Blackwell en inoubliable matriarche perverse – avec la modernité, la gentillesse avec la férocité. Mais la liberté formelle de ce spectacle engagé fait mouche.




    Opéra du Rhin, Strasbourg
    Le 22/05/2018
    Thomas COUBRONNE

    Les Sept péchés capitaux…, triptyque Weill-Schoenberg dans une mise en scène de David Pountney et sous la direction de Roland Kluttig à l’Opéra national du Rhin.
    Les Sept péchés capitaux… / Arnold Schoenberg - Kurt Weill
    Kurt Weill (1900-1950)
    Mahagonny, ein Songspiel
    Roger Honeywell (Charlie), Stefan Sbonnik (Billy), Antoine Foulon (Bobby), Patrick Blackwell (Jimmy), Lenneke Ruiten (Jessie), Lauren Michelle (Bessie)
    Arnold Schoenberg (1874-1951)
    Pierrot lunaire
    Lenneke Ruiten / Lauren Michelle (soprano)
    Kurt Weill
    Die sieben TodsĂĽnden
    Lenneke Ruiten / Lauren Michelle (Anna), Roger Honeywell (Père), Stefan Sbonnik (Frère), Antoine Foulon (Frère), Patrick Blackwell (Mère)
    Orchestre symphonique de Mulhouse
    direction : Roland Kluttig
    mise en scène : David Pountney (Weill) & Amir Hosseinpour (Schoenberg)
    chorégraphie : Amir Hosseinpour (Mahagonny), Beate Vollack (Péchés)
    décors et costumes : Marie-Jeanne Lecca
    Ă©clairages : Fabrice Kebour

     


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