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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
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Première à l’Opéra du Rhin de Pelléas et Mélisande de Debussy dans la mise en scène de Barrie Kosky, sous la direction de Franck Ollu.
La chute de la maison Debussy
Scène mise à nu, nervures psychologiques disséquées, loin du mystère de Maeterlinck, le Pelléas usherien de Barrie Kosky n’est pas sans violenter l’univers si particulier de l’unique opéra de Debussy, d’autant que la direction de Franck Ollu, aride et inexpressive, prive l’ensemble de la moindre sensualité, malgré les belles qualités d’un plateau honorable.
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Plus on voit Pelléas et Mélisande à la scène, plus on se dit qu’il est difficile de tirer l’opéra de Debussy vers une autre dramaturgie que celle du non dit et de l’ellipse si particulière de Maeterlinck. Car contrairement à tant d’ouvrages lyriques qui se plient assez facilement à des concepts très différents de leur biotope, le royaume d’Allemonde tolère assez mal les transpositions.
Partant du constat que l’univers du livret est abondamment décrit dans la bouche des personnages, l’Australien Barrie Kosky fait place nette des décors et des accessoires, limités à un cadre de scène claustré dans celui de l’Opéra de Strasbourg, avec des plateaux tournants pour seules entrées dans cet espace étriqué inspiré par les contes d’Edgar Poe à un metteur en scène friand de décorticage des relations entre des personnages dont on ignore souvent presque tout.
On ne sait de qui le patriarche Arkel, encore vert pour son âge, a abusé dans son château où flotte un parfum d’inceste, où les frères Pelléas et Golaud, victimes tout à tour d’un rêve symétrique, dorment ensemble en sous-vêtements dans les souterrains, et où une Mélisande épileptique se vide du sang d’une fausse couche tardive, après avoir volontairement avalé la bague de noces de son époux dans la scène de la fontaine. Le tout dans un climat de cinéma muet, où s’est égaré un Pelléas façon Buster Keaton.
Ces rapports tendus, servis par une direction d’acteurs très physique, vous accrochent à ce spectacle radical qui n’est pas sans violenter la poésie d’un ouvrage rendu au seul théâtre de la cruauté, d’ordinaire sous-jacent, d’autant que la version originale sans interludes n’offre guère de liant. La faute en incombe aussi à la direction raide, comme décapée à la paille de verre, de Franck Ollu, dont chaque silence tombe cruellement à plat, le cœur sec et l’oreille écorchée par une pâte sonore où les timbres refusent toute fusion, par-delà les couleurs françaises de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg.
L’âme de l’opéra n’émane in fine que d’une solide distribution où les seconds rôles auraient gagné à une déclamation plus simple, la Geneviève matrone, en voix de poitrine, de Marie-Ange Todorovitch refusant toute fluidité à une lettre surdramatisée, face à l’Arkel poussif de Vincent Le Texier, vibrato incontrôlé, grosse voix lente à l’allumage sur chaque son, d’un wagnérisme importun. Le contraste est saisissant avec la rigueur rythmique de Gregor Hoffmann, épatant gamin du Tölzer Knabenchor en Yniold constamment apeuré.
Le Britannique Jacques Imbrailo possède de Pelléas un timbre de baryton relativement clair et surtout apte à la douceur, à la tendresse même, n’était une maîtrise assez moyenne du français, trop chuintant de consonnes et inégal de diction d’une scène à l’autre. La Mélisande d’Anne-Catherine Gillet impose la typologie vocale assez rare d’un soprano léger qui est plutôt celui de Constance dans les Carmélites de Poulenc, accentuant ici le côté femme-enfant et touchant de naïveté du personnage, avec une parfaite gestion du registre médium.
Enfin, une décennie après son Pelléas testostéroné et hors-sujet du Théâtre des Champs-Élysées, on admire sans réserve le Golaud de Jean-François Lapointe, stylé, impeccablement déclamé à quelques consonnes trop explosives près, d’un magnifique legato et d’une progression de la sympathie vers la folie appuyée sur un matériau capable de moments de tension saisissants.
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