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CRITIQUES DE CONCERTS |
07 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Simon Boccanegra de Verdi dans une mise en scène de Calixto Bieito et sous la direction de Fabio Luisi à l’Opéra de Paris.
En fond de cale
Spectacle laborieux que ce Simon Boccanegra pourtant confié au trublion espagnol Calixto Bieito, qui passé quelques bons ressorts de théâtre, installe un climat assez pesant avec son décor unique d’énorme cale de navire. En fosse, Fabio Luisi défend un Verdi ample et sans brûlure théâtrale, à la tête d’une solide distribution.
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Sous l’ère Mortier, on s’était ennuyé ferme au Simon Boccanegra de Johan Simons. Douze ans plus tard, alors qu’on s’attendait à ce que le sujet politique de l’opéra inspire davantage Calixto Bieito, à son meilleur dans les ouvrages du genre (son Boris Godounov modèle), on doit bien admettre avoir souffert de la pesanteur de cette proposition appuyée sur le décor unique monumental sur tournette d’une cale de poupe de navire industriel, dont la coque qui se rétracte laisse progressivement apparaître une armature métallique aux airs de squelette de baleine échouée sur une grève.
Ce seul écho à la cité génoise (privée ici de toute dimension politique) cède le pas à la psychanalyse et à la vidéo en direct (en de très gros plans pas toujours heureux sur les mimiques des chanteurs au ralenti), contrepoint aussi anecdotique que dans le Boris d’Ivo van Hove in loco en juin. À la différence près que parfois un éclair de théâtre affleure chez Bieito, tel ce fantôme de Maria qui obsédera un doge en larmes dans le silence suivant sa triomphale élection et par-delà la mort, ou ce Paolo traînant tout le spectacle un seau à champagne dans lequel il versera le poison, avant de finir égorgé, la tête la première, dans l’objet de son forfait.
Reste en guise d’approche stimulante un lent voyage en fond de cale, qu’accompagne la lecture ample, aux magnifiques silences très intégrés dans le flux global, de Fabio Luisi, tournant le dos aux fulgurances verdiennes pour un discours plus serioso, quasi wagnérien, à la tête d’un Orchestre de l’Opéra en splendeur, ambré et brassé à pleine pâte. Une approche sculpturale confortable jusqu’à une forme de mollesse dramatique chez un plateau par ailleurs d’excellent niveau.
À tout seigneur tout honneur, saluons le doge de Ludovic Tézier, incarnation somptueuse du baryton Verdi à l’ancienne, Simon magnifiquement phrasé, legato de velours et homogénéité absolue de l’émission, qui conserve des réserves de puissance délivrées avec maestria après sa malédiction. Même si l’on peut préférer voix plus mordante, la gestion du souffle du Marseillais, plus impliqué en scène que d’ordinaire mais encore placide, renvoie au second plan le Fiesco aux beaux graves de Mika Kares, dont la voix en comparaison si peu latine tend à blanchir dans l’aigu.
Le Gabriele Adorno assez mince de Francesco Demuro conserve sur toute la tessiture une lumière du timbre insolente, quitte à placer parfois l’émission dans le nez, ce qui vaut tout de même mieux que dans la gorge, face à l’Amelia de Maria Agresta, beau rayonnement vibrant sur le haut du spectre, jolis piani, graves parfois un peu grêles, matériau pas exceptionnel en soi mais jamais criard, un baume à l’heure des verdiennes pour qui le volume semble devenu le but ultime. Une rondeur non dépourvue de brillant qu’on retrouve chez le Paolo Albiani de Nicola Alaimo, qui refuse tout ton plébéien, dans un plateau jamais électrisé mais tout à fait à la hauteur.
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Opéra Bastille, Paris Le 15/11/2018 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Simon Boccanegra de Verdi dans une mise en scène de Calixto Bieito et sous la direction de Fabio Luisi à l’Opéra de Paris. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Simone Boccanegra, melodramma en un prologue et trois actes (1857)
Livret de Francesco Maria Piave et Arrigo Boito d’après la pièce d’Antonio Garcia Gutiérrez
Version de 1881
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Fabio Luisi
mise en scène : Calixto Bieito
décors : Susanne Gschwender
costumes : Ingo KrĂĽgler
Ă©clairages : Michael Bauer
vidéo : Sarah Derendinger
préparation des chœurs : José Luis Basso | |
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