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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Nouvelle production d’Ariane et Barbe-Bleue de Dukas dans une mise en scène de Stefano Poda et sous la direction de Pascal Rophé au Théâtre du Capitole, Toulouse.
Ariane dans son labyrinthe
Très attendue, la nouvelle production toulousaine d’Ariane et Barbe-Bleue n’atteint pas les sommets escomptés. En dépit de sa beauté visuelle, la mise en scène de Stefano Poda manque de chair. Et si Sophie Koch ne s’incarne pas toujours, Pascal Rophé, à la tête d’un excellent Orchestre du Capitole, fait crépiter la magnifique musique de Dukas.
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Créé en 1907, Ariane et Barbe-Bleue est incontestablement l’un des chefs-d’œuvre de la musique française. S’il fallait trouver un équivalent à l’unique opéra de Paul Dukas, ce serait certainement Saint François d’Assise (1983) de son élève Olivier Messiaen. Une écriture vocale très chantante mâtinée d’accents debussystes, mise au service d’une incroyable écriture orchestrale, véritable symphonie vocale d’une prodigieuse abondance.
Malgré le regain d’intérêt de ces dernières années (Caurier-Leiser à Lyon, Py à Strasbourg), l’œuvre reste rare sur les scènes. Cette nouvelle production au Capitole de Toulouse bénéficie d’un atout de taille en la personne de Stefano Poda. Le metteur en scène refuse le réalisme crû du Regietheater et privilégie le « mystère » et le « désir d’absolu » (dixit la note d’intention), épousant idéalement les desseins symbolistes de Dukas et Maeterlinck. L’Italien est par ailleurs un ambitieux homme-orchestre, signant à la fois décors et costumes de ses spectacles, assurant cohésion et homogénéité à la soirée.
Le lever de rideau accroche tout de suite la rétine : les sept portes du château de Barbe-Bleue sont encastrées dans une paroi en marbre, esquissant des corps entremêlés dans un cercle de l’Enfer. Tout aussi séduisants s’avèreront les costumes d’Ariane et des personnages féminins, étranges robes-chrysalides de mariées-chenilles. En dépit de sa splendeur visuelle, le spectacle hésite entre prosaïsme et sophistication stylisée alla Bob Wilson. De nombreux clichés scénographiques (la grotte-labyrinthe, Ariane oblige ; les danseuses qui se contorsionnent par terre) ne parviendront à pallier le manque de tension dramatique. Seule et étrange invention ici : l’emploi du blackface (combat entre le blanc et le noir) qui reste problématique à notre époque.
Dans la fosse, Pascal Rophé donne de l’élan à un magnifique Orchestre national du Capitole. Détaillant les rythmes, le chef français use de son geste vif, qui ailleurs encourt le risque de la brutalité, mais qui donne ici du peps à un plateau statique. Dans sa fougue, il finit même par couvrir les chanteurs au II et au III, entraînant des décalages imprévus. Excellente diseuse au premier acte, la Nourrice de Janina Baechle n’a plus les moyens vocaux pour soutenir le poids de la houle orchestrale. Vincent Le Texier n’a que peu à chanter dans l’opéra : ses rares interventions lyriques évoquent irrésistiblement le Golaud de Pelléas et Mélisande. Les premières épouses de Barbe-Bleue (Eva Zaïcik, Marie-Laure Garnier, Andreea Saare, Erminie Blondel) et les Chœurs du Capitole placés au paradis créent un ensemble homogène.
Quant à Sophie Koch, elle se tire avec les honneurs des écrasantes nécessités du rôle-titre. Soucieuse de prosodie, l’Ariane de la mezzo se libère en cours de spectacle mais ne parvient pas à s’incarner entièrement. Les deux éléments marquants de cette Ariane toulousaine seront finalement l’inattendue Dominique Sanda dans le rôle de la princesse muette Alladine, la mythique interprète des films de Bertolucci apportant ce qui manque cruellement au spectacle : de la chair, de la présence, de l’émotion, mais aussi la musique de Paul Dukas, véritable fleuve multicolore de timbres et d’harmonies exaltantes.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 04/04/2019 Laurent VILAREM |
| Nouvelle production d’Ariane et Barbe-Bleue de Dukas dans une mise en scène de Stefano Poda et sous la direction de Pascal Rophé au Théâtre du Capitole, Toulouse. | Paul Dukas (1865-1935)
Ariane et Barbe-Bleue, opéra en trois actes (1907)
Livret de Maurice Maeterlinck
Chœur et Orchestre national du Capitole
direction : Pascal Rophé
mise en scène : Stefano Poda
décors & éclairages : Stefano Poda
costumes : Stefano Poda
préparation des chœurs : Alfonso Caiani
Avec :
Sophie Koch (Ariane), Vincent Le Texier (Barbe-Bleue), Janina Baechle (La Nourrice), Eva Zaïcik (Sélysette), Marie-Laure Garnier (Ygraine), Andreea Soare (Mélisande), Erminie Blondel (Bellangère), Dominique Sanda (Alladine). | |
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