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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Carmen dans une mise en scène de Florentine Klepper et sous la direction d'Adrien Perruchon à l’Opéra de Dijon.
Game over
Cette Carmen de l’Opéra de Dijon selon Florentine Klepper peine à s'extraire d'une production inégale où les ambitions d'une mise en scène axée sur l'univers des jeux vidéo noient les qualités d'un plateau dominé par la remarquable Antoinette Dennefeld et porté par la battue trop uniment énergique d’Adrien Perruchon.
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En finira-t-on jamais avec Carmen ? Près de cent cinquante ans après sa création, la recette miracle opère toujours, les salles se remplissent de 9 à 99 ans. C'est au tour de Florentine Klepper de s'emparer d'un mythe qu'elle entend bien renouveler de fond en comble, quitte à puiser dans l'univers très fermé des adeptes des jeux vidéo. On est ici dans une Séville réduite à la dimension d'une boutique de jeu en réseau, dirigée par un Zuniga geek à dreadlocks. Les dragons d'Alcala sont des gamers avec casque de réalité virtuelle sur les yeux, véritables caricatures de jeunes avachis dans leur fauteuil, une main dans un seau à pop-corn et l'autre sur un joystick.
Carmen n'est pas la gitane à mantille qu'on trouve sur tous les clichés ; elle apparaît à Don José sous la forme d'un être entre réel et virtuel, moulée dans sa robe à sequins écarlates et apparaissant sous la forme d'un hologramme. On comprend sans peine la distance qui la sépare de la pauvre Micaëla, en robe rouge également – mais de triste feutrine bon marché. Cette dissymétrie parcourt la vision de Florentine Klepper et joue sur une analyse psychologique assez mince qui finit par s'épuiser avant la fin de la première partie. La révision des dialogues de Meilhac-Halévy donne aux personnages un sabir à la sauce jeune et branchée qui tourne souvent court et prête à sourire. Le tout sur fond d'écrans électroniques qui crépitent, sans faire oublier la pauvreté de la direction d'acteurs.
La seconde partie s'enlise dans l'argument d'une troupe de contrebandiers grimés façon Avengers. Sans surprise, les taureaux andalous sont autant de monstres virtuels qu'il faut éliminer pour gagner la partie. Les amateurs de quadrilles en seront pour leurs frais, le joyeux défilé devenant une obscurité vaste et vide qui concentre l'intérêt sur Micaëla et Don José qui déplient un lit d'appoint – en préparation d'une piètre nuit de noces. Visiblement peu intéressé par cette perspective, le déserteur se réfugie une dernière fois dans son jeu vidéo et tue (virtuellement ?) son héroïne préférée.
Il fallait à cette entreprise une direction musicale capable de secouer les lignes et porter un plateau qui aurait pu à lui seul faire oublier les errances de la mise en scène. Peine perdue, Adrien Perruchon, uniformément énergique, fouette l'Orchestre de Dijon Bourgogne sans se soucier vraiment de trouver une adéquation avec la scène ou une synchronisation satisfaisante.
Par bonheur, la voix d'Antoinette Dennefeld vient verser un jour plus réjouissant. Sa Carmen est souple et affûtée, à défaut d'en faire des tonnes. La netteté de la ligne et la tenue du phrasé donnent envie de l'entendre un jour en… Mélisande. Annoncé souffrant, le Don José de Georgy Vasiliev fait de son mieux pour sauver les meubles. Après une première intervention élégante et raffinée, la voix d'Elena Galitskaya (Micaëla) perd en éclat dans la seconde partie.
David Bizic est un Escamillo relativement banal de projection et de timbre, éclipsé par le Zunega ténébreux et sonore de Sévag Tachdjian. La Frasquita pétulante de Norma Nahoun s'accorde parfaitement à la légèreté de la Mercédès de Yete Queyroz. De belles qualités également chez Kaëlig Bocher (Dancaïre) et l'élégant Remendado d'Enguerrand de Hys, sans oublier les chœurs de l'Opéra de Dijon et surtout la Maîtrise, réjouissants de présence et de jeu.
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Auditorium, Dijon Le 23/05/2019 David VERDIER |
| Nouvelle production de Carmen dans une mise en scène de Florentine Klepper et sous la direction d'Adrien Perruchon à l’Opéra de Dijon. | Georges Bizet (1838-1875)
Carmen, opéra-comique en 4 actes (1875)
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy d'après la nouvelle de Prosper Mérimée
Maîtrise de Dijon
Chœurs de l’Opéra de Dijon
Orchestre Dijon Bourgogne
direction : Adrien Perruchon
mise en scène : Florentine Klepper
décors : Martina Segna
costumes : Adriana Westerbarkey
Ă©clairages : Bernd Purkrabek
création vidéo : Heta Multanen
préparation des chœurs : Anass Ismat
Avec :
Antoinette Dennefeld (Carmen), Georgy Vasiliev (Don José), David Bizic (Escamillo), Elena Galitskaya (Micaëla), Norma Nahoun (Frasquita), Yete Queiroz (Mercédès), Kaëlig Boché (Dancaïre), Enguerrand de Hys (Remendado), Sévag Tachdjian (Zuniga), Aimery Lefevre (Moralès). | |
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