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CRITIQUES DE CONCERTS |
07 octobre 2024 |
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Nouvelle production dâĆdipe dâEnesco dans une mise en scĂšne dâAchim Freyer, sous la direction dâIngo Metzmacher au festival de Salzbourg 2019.
Salzbourg 2019 (1) :
Ćdipe par KO
Franc succĂšs pour lâĆdipe dâEnesco, Ă©blouissante rĂ©ussite hormis sur la diction française, lacune rĂ©pandue Ă Salzbourg. Mais la mise en scĂšne dâAchim Freyer, entre cirque et expressionnisme, une belle distribution et les miracles dâIngo Metzmacher Ă la tĂȘte de Wiener Philharmoniker stratosphĂ©riques captivent toute la soirĂ©e durant.
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Fruit dâun quart de siĂšcle de labeur, lâĆdipe de George Enesco (1881-1955), nĂ© en Roumanie mais parisien dâadoption, fut crĂ©Ă© avec succĂšs en 1936 au Palais Garnier ; et attend toujours dây ĂȘtre redonnĂ© dans sa version originale française. Toulouse a eu cette audace il y a onze ans, quand ces derniĂšres annĂ©es, la production bruxelloise de La Fura dels baus a quelque peu tournĂ©.
Il serait temps que lâOpĂ©ra de Paris remette Ă lâaffiche cette Ćuvre Ă©rudite basĂ©e sur le livret savamment hellĂ©nisant dâEdmond Fleg, qui couvre chronologiquement toute la vie du personnage en synthĂ©tisant notamment Ćdipe roi et Ćdipe Ă Colone de Sophocle. Un ouvrage foisonnant qui ne pouvait que trouver un terrain dâĂ©lection au ManĂšge des rochers de Salzbourg.
Le nouveau directeur du festival, Markus HinterhĂ€user, a dâailleurs eu du nez, face Ă la nouvelle gĂ©nĂ©ration de metteurs en scĂšne, de faire appel au vĂ©tĂ©ran Achim Freyer, Ă©lĂšve de Brecht qui a fĂȘtĂ© ses 85 ans en mars, cĂ©lĂ©brĂ© en Autriche pour une FlĂ»te enchantĂ©e situĂ©e dans le monde du cirque qui a fait les dĂ©lices de la fin des annĂ©es 1990.
Le plateau aussi pentu que le destin du fils de LaĂŻos et Jocaste est peuplĂ© de crĂ©atures fantasmagoriques, Ă mi-chemin du cirque et de lâexpressionnisme et toujours dâune portĂ©e poĂ©tique : marionnette de chĂšvre flĂ»tiste façon Chagall, de petite fille conduisant lentement un TirĂ©sias aux allures de Pierrot gigantesque, Sphinge surrĂ©aliste avec son dĂ©, la Mort manipulant en guise de cerf-volant une gigantesque poupĂ©e estropiĂ©e, ThĂ©bains en costumes noirs fondus dans la pĂ©nombre, et tout un bestiaire Ă la JĂ©rĂŽme Bosch.
Ćdipe apparaĂźt dâabord comme un Ă©norme bĂ©bĂ©, puis adulte en boxeur bodybuildĂ© hĂ©roĂŻque et monstrueux (« mon poing rougit de sang ses yeux rouges de vin »), bĂȘte de foire qui tuera son pĂšre avec la lance que ce dernier avait utilisĂ©e pour lui percer les pieds. Sur la vaste scĂšne, les masses de peuple en marche lente vers la machine infernale des oracles fascinent de bout en bout.
Lâorchestration du compositeur est transcendĂ©e par un Ingo Metzmacher au zĂ©nith : dĂ©taillĂ©, vif, ne laissant jamais les lignes sâĂ©paissir, gardant en rĂ©serve des accents verticaux foudroyants, faisant la part belle aux mixtures de timbres (cĂ©lesta, piano, saxophone, scie musicale) et aux atmosphĂšres pastorales campĂ©es par les bois en Ă©tat de grĂące du Philharmonique de Vienne (bassons quâon jurerait français, hautbois et autre flĂ»te basse).
Seule rĂ©serve, une fois encore Ă Salzbourg, le français dĂ©fectueux dâun plateau par ailleurs excellent (le CrĂ©on mordant de Brian Mulligan), mĂȘme si lâon reste loin de la calamitĂ© de MĂ©dĂ©e donnĂ©e en parallĂšle au Grosses Festspielhaus. On frĂŽle parfois la caricature (Le Veilleur, MĂ©rope), les rares francophones nâĂ©tant eux-mĂȘmes pas exemplaires (Le Berger, Jocaste, Ăve-Maud Hubeaux qui crache ses consonnes et occulte ses quarts de ton malgrĂ© une vocalitĂ© ensorcelante idĂ©ale pour la Sphinge).
Reste des chĆurs aux voyelles imprĂ©cises mais au bel impact, le TirĂ©sias fascinant de puissance brute de John Tomlinson, bientĂŽt 73 ans et prĂ©sence intacte malgrĂ© des aigus en ruine et un style chaotique, et le rĂŽle-titre tenu Ă bout de gants (de boxe) par un Christopher Maltman fabuleux tragĂ©dien, plus dramatique quâintĂ©rieur, engagĂ© de toutes ses fibres et Ă peu prĂšs intelligible.
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Felsenreitschule, Salzburg Le 14/08/2019 Yannick MILLON |
| Nouvelle production dâĆdipe dâEnesco dans une mise en scĂšne dâAchim Freyer, sous la direction dâIngo Metzmacher au festival de Salzbourg 2019. | George Enesco (1881-1955)
Ćdipe, tragĂ©die lyrique en quatre actes (1936)
Livret dâEdmond Fleg dâaprĂšs Sophocle
Salzburger Festspiele und Theater Kinderchor
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
direction : Ingo Metzmacher
mise en scÚne, décors, costumes & éclairages : Achim Freyer
réalisation éclairages : Franz Tscheck
vidéo : Benjamin Jantzen
prĂ©paration des chĆurs : Huw Rhys James
Avec :
Christopher Maltman (Ćdipe), Michael Colvin (LaĂŻos), AnaĂŻk Morel (Jocaste), Brian Mulligan (CrĂ©on), John Tomlinson (TirĂ©sias), David Steffens (Le Grand PrĂȘtre), Ăve-Maud Hubeaux (La Sphinge), Gordon Bintner (Phorbas), Vincent Ordonneau (Le Berger), Tilmann Rönnebeck (Le Veilleur), Boris Pinkhasovich (ThĂ©sĂ©e), Chiara Skerath (Antigone), Anna Maria Dur (MĂ©rope), Katha Platz (Ćdipe bĂ©bĂ©). | |
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