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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
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Création mondiale de l’Inondation de Francesco Filidei dans une mise en scène de Joël Pommerat et sous la direction d’Emilio Pomarico à l’Opéra Comique, Paris.
DĂ©luge sonore
Production modèle à l’Opéra Comique, qui confirme sa politique très riche d’espace ouvert à la création, L’Inondation se voulait le fruit d’une démarche originale d’écriture simultanée et collective du livret et de la partition. Un véritable chef-d’œuvre servi par une distribution idéale, raz-de-marée qui engloutit tout autant les yeux que les oreilles.
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Ce n’est pas si souvent qu’on peut admirer sans mélange un spectacle d’opéra. La collaboration idéale entre Francesco Filidei et Joël Pommerat est sans nul doute à l’origine de cette réussite éblouissante, sous le signe de la cohérence entre ce que l’on voit et ce que l’on entend.
Bruitiste à l’extrême, foisonnante de percussions, jalonnée d’improbables modes de jeux aussi sophistiqués que déroutants, dans une recherche passionnée – et passionnante – de créer un climat sonore presque réaliste, la partition se situe pourtant à une improbable croisée entre le Britten du Tour d’écrou, le Chostakovitch atomisé des codas aux frontières du silence de la Quatrième et de la Quinzième Symphonie, les rutilances métalliques de Messiaen, les menaces d’orage prêtes à éclater de Nono.
L’angoisse qui sourd en permanence de ces strates rhapsodiques et obsessionnelles, modales, relativement polarisées, en une matière fugitive et traversée de réminiscences spectrales, explose en salves aussi brutales qu’imprévisibles, au service d’une tension électrique presque ininterrompue, sous une déclamation qui n’est pas sans se souvenir de Pelléas et de Saariaho, notamment lors de certaines irruptions de mélismes dans une majorité de bribes psalmodiées sur deux ou trois notes.
En parfaite adéquation avec le livret, une aussi banale que tragique histoire d'infidélité avec une adolescente, les fulgurances de la musique soulignent le poids du non-dit accumulé par la Femme, éblouissante Chloé Briot aussi magnétique dans ses silences rentrés que dans sa démence éclatant à la scène finale, aussi touchante dans un grave sensuel que dans un aigu cinglant.
Boris Grappe (L’Homme), juste assez rustre, sans caricature, vulnérable sous une feinte épaisseur, Enguerrand de Hys solaire (Le Voisin), Yael Raanan-Vandor (La Voisine) toute de douceur bienveillante, Guillem Terrail aussi rayonnant en Narrateur que transparent en Policier, Vincent Le Texier réfrigérant en Médecin dénué d’empathie, il est jusqu’à la double distribution, potentiellement problématique, de la Jeune Fille, de trouver en Norma Nahoun et Cypriane Gardin une extraordinaire alchimie de charme caméléon et d’étrangeté.
L’art tout à fait visionnaire avec lequel Joël Pommerat fait imperceptiblement dériver son décor en coupe des trois appartements, familier, rassurant, d’abord par la projection d’images de l’inondation, puis par des éléments oniriques, culmine lors de l’écrasante descente du décor de la dernière scène, hôpital à l’architecture totalitaire et à la lumière blessante, pour un dénouement annoncé dès les premières images et qui pourtant conserve un impact renversant.
Les multiples dimensions de l’œuvre - allégorique, psychanalytique, poétique - se superposent dans un travail musical et scénique terriblement organique, auquel un plateau assez irréprochable sur la question de la diction offre un trop rare écrin d’évidence, chacun s’effaçant derrière l’œuvre, jusqu’au compositeur et au librettiste ; c’est peut-être là le secret de cette réussite exemplaire dont on ressort lessivé. Magistral.
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Opéra Comique - Salle Favart, Paris Le 01/10/2019 Thomas COUBRONNE |
| Création mondiale de l’Inondation de Francesco Filidei dans une mise en scène de Joël Pommerat et sous la direction d’Emilio Pomarico à l’Opéra Comique, Paris. | Francesco Filidei (*1973)
L’Inondation, opéra en deux actes
Livret d’après le texte éponyme d’Evgeni Zamiatine
Coproduction avec Angers-Nantes Opéra, l’Opéra de Rennes, les Théâtres de la Ville de Luxembourg, le Théâtre de Caen, l’Opéra de Limoges.
Orchestre philharmonique de Radio France
direction : Emilio Pomarico
mise en scène : Joël Pommerat
décors & éclairages : Éric Soyer
costumes : Isabelle Deffin
vidéo : Renaud Rubiano
Avec :
Chloé Briot (La Femme), Boris Grappe (L’Homme), Norma Nahoun (La Jeune Fille), Cypriane Gardin (La Jeune Fille), Enguerrand de Hys (Le Voisin), Yael Raanan-Vandor (La Voisine), Guilhem Terrail (Policier-narrateur), Vincent Le Texier (Le Médecin). | |
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