|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
15 septembre 2024 |
|
Nouvelle production des Indes Galantes de Rameau dans une mise en scène de ClĂ©ment Cogitore et sous la direction de Leonardo GarcĂa AlarcĂłn Ă l’OpĂ©ra de Paris.
Les Indes en Italie
Fêter les 350 ans de l’Opéra de Paris à Bastille avec les Indes galantes remises au goût du jour dans une production urbaine, on comprend bien l’idée. Mais au-delà de réserves sur le résultat scénique, les conditions acoustiques sont tout aussi discutables que les options italianisantes du chef pour célébrer le héros de la France dans la Querelle des bouffons.
|
|
Salzbourg 2024 (10) :
Corrosion mahlérienne
Salzbourg 2024 (9) :
Au diable le style !
Salzbourg 2024 (8) :
El Sistema ronron
[ Tous les concerts ]
|
Clément Cogitore et Bintou Dembélé ont rassemblé une équipe talentueuse, et il serait injuste de cantonner à un jeunisme de circonstance un projet cohérent autour des « sauvages », qui pense l’altérité à travers le prisme du multiculturalisme et de la mixité sociale.
Oui mais voilĂ . L’OpĂ©ra de Paris, c’est l’AcadĂ©mie royale de musique. On a choisi Rameau pour la cĂ©lĂ©brer. Et on a choisi l’acoustique de la Bastille. On a choisi Rameau, le chef du « coin du Roi », le hĂ©raut de la tragĂ©die lyrique des Français contre l’opĂ©ra des Italiens. Et on a choisi Leonardo GarcĂa AlarcĂłn, dont les accointances avec le rĂ©pertoire italien, si elles n’ont rien de suspect en soi, s'avèrent discutables sur plusieurs points, en particulier les cadences effarantes des chanteurs, qui plus sĂ»rement que le hip-hop ont dĂ» faire se trĂ©mousser jusqu'Ă Lully dans sa tombe.
Qu’a-t-on à l’arrivée ? Un spectacle terriblement monotone, nouvelle erreur de casting pour les entrées disparates d’un opéra-ballet, supposément spectaculaires et merveilleuses. Lumières de service, scènes blafardes entre CRS et éboueurs, émeutes, zonards, prostituées, avec un petit côté bling-bling encanaillé… Reste bien sûr l’énergie des corps (et des chœurs, malheureusement victimes d’une agogique intempestive), des danseurs fabuleux, et la frénésie collective des Sauvages, irrépressible et grisante.
Mais on reste très en mal de théâtre, surtout avec cet argument ténu. On voudrait se ressourcer dans le texte, qui fait avec les machines la totalité de ce théâtre littéraire et immobile. En vain : dans l’immense vaisseau de Bastille, les chanteurs ont chaussé leurs bottes de sept-cents décibels, et la déclamation fait partie des victimes collatérales – avec la sensualité de l’agrémentation, les tremblements tout en dureté mécanique.
Le phrasé dans la musique française est une écriture à la plume : écrasez l’outil sous une main trop lourde, et les déliés disparaissent. C’est tout le problème d’un lieu aussi vaste. Si Sabine Devieilhe n’y perd que peu de souplesse, chant dardé, lumineux mais osant des nuances, que Jodie Devos y déploie un timbre toujours fruité mais parfois cinglant, que Julie Fuchs exhibe un instrument très homogène sur une diction floue au vibrato monocorde, les messieurs sont à la peine.
Au prix d’attaques par-dessous systématiques et d’aigus écharpés dans Valère, Mathias Vidal tire son épingle du jeu dans un Tacmas touchant, parfaitement intelligible, très stylé haute-contre, assumant brillamment le travesti, avec une émission directe qui ne lutte pas contre le lieu. Mais que dire de Stanislas de Barbeyrac, en athlète faustien (du moins intelligible) ? Que dire des voyelles fermées disparues du logiciel d’Alexandre Duhamel, imitant un Bryn Terfel sous testostérone ? D’un Florian Sempey lui sous stéroïdes, aboyant Adario comme Alberich ? De la démission sur la question des « r » roulés, Edwin Crossley-Mercer, aux prises avec un format pourtant idéal, y perdant toute intelligibilité ?
Car il s’agit bien de choix : Alarcón se régale avec sa large phalange orchestrale, avec son goût du phrasé long, dans lequel on perd l’ADN de la musique française, le galbe métrique de la danse. On se croirait volontiers chez Haendel, à l’instar de ces corone exotiques, allant chercher le plus improbable contre-ré au faîte d’une gamme tout droit sortie du XIXe. Anniversaire d’un goût douteux, sauf à vouloir célébrer en Rameau la victoire des Italiens sur les Français.
| | |
|
Opéra Bastille, Paris Le 03/10/2019 Thomas COUBRONNE |
| Nouvelle production des Indes Galantes de Rameau dans une mise en scène de ClĂ©ment Cogitore et sous la direction de Leonardo GarcĂa AlarcĂłn Ă l’OpĂ©ra de Paris. | Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Les Indes galantes, opéra-ballet en quatre entrées et un prologue (1735)
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Chœur de Chambre de Namur
Cappella Mediterranea
direction : Leonardo GarcĂa AlarcĂłn
mise en scène : Clément Cogitore
chorégraphie : Bintou Dembélé
décors : Alban Ho Van
costumes : Wojciech Dziedzic
Ă©clairages : Sylvain Verdet
préparation des chœurs : Thibaut Lenaerts
Avec :
Sabine Devielhe (Hébé / Phani / Zima), Florian Sempey (Bellone / Adario), Jodie Devos (L’Amour / Zaïre), Edwin Crossley-Mercer (Osman / Ali), Julie Fuchs (Emilie / Fatime), Mathias Vidal (Valère / Tacmas), Alexandre Duhamel (Huascar / Don Alvar), Stanislas de Barbeyrac (Don Carlos / Damon). | |
| |
| | |
|