Théâtre sans acteurs pour une quête sans fin, ce Graal théâtre a quelque chose d'obsessionnel et d'envoûtant. La thématique de la quête du Graal (1) qui soutient la démarche compositionnelle, semble cacher un autre message : si l'objet de la quête reste bien inaccessible, le voyage lui même se solde par un retour sur soi, comme si les chemins, finalement, ne menaient nulle part. Vous avez dit théâtre absurde ?

Le violon (remarquablement tenu par Maryvonne Le Dizès) lui trace sa route dans un paysage sonore à la fois mouvant et curieusement immobile, comme si le temps lui même était pris au piège. L'atmosphère hésite entre inquiétude et sensualité alors que l'instrument semble lutter contre l'aphasie en jouant avec les bases de son vocabulaire (l'arpège, omniprésent dans toute la littérature pour violon).

Le théâtre de Carter porte aussi sa part d'ombre. De quoi est-il question ? Plusieurs automobilistes accidentés tentent de recouvrer leurs esprits : la mémoire flanche, on se raccroche aux certitudes, un mariage heureux auquel on se rendait, le triomphe sur scène de la fiancée, une jeune soprano imbue d'elle-même. On tente aussi d'échafauder des hypothèses : le discours perd vite toute cohérence alors que chacun tente d'affirmer son identité de façon obsessionnelle.

Certes, les personnages et la thématique du spectacle restent drôles : What Next ? se veut une farce, et l'on y trouvera mainte occasion de rire. Mais derrière l'absurdité des situations, un drame se joue et après un accident, qu'elle autre solution pour tromper son angoisse ? L'aspect surréaliste des situations peut d'ailleurs multiplier les interprétations, à commencer par la plus fantastique : ces gens sont déjà morts mais ignorent le fait (cette thématique a été récemment développée avec brio dans le film Sixième Sens).

La musique de son côté se veut aussi illustrative que possible et intègre des éléments dramatiques — les percussionnistes — d'une redoutable efficacité. Tout cela fait évidemment regretter l'absence de mise en scène, même si la direction de Kent Nagano et l'engagement vocal de ce plateau très équilibré suffisent à rendre le spectacle parfaitement captivant.

(1) Dans les différentes versions de la Quête du Graal, la valeur s'acquiert dans le chemin parcouru et les épreuves - le but restant inaccessible.