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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Nouvelle production de I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky d’Adams dans une mise en scène d’Eugen Jebeleanu et sous la direction de Vincent Renaud à l’Opéra national de Lyon.
Adams chez Pierre & Gilles
Éblouissement pour cette nouvelle production d’I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky de John Adams, magnifiquement défendue au Théâtre de la Croix-Rousse par les chanteurs du Studio de l’Opéra de Lyon, la direction idéale de Vincent Renaud et la mise en scène d’Eugen Jebeleanu, aussi colorée, bigarrée et crue que l’Amérique des années 1990.
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I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky est une œuvre composite très à part dans l’œuvre prolifique de John Adams. Plus qu’une évocation du tremblement de terre qui survint à Los Angeles en 1994 (auquel fait référence le titre), l’œuvre dresse un portrait parfois cru de l’Amérique des années 1990, ses problèmes sociaux, raciaux, relationnels ou sexuels à travers le parcours de sept jeunes gens.
Musicalement, il s’agit d’une partition très hétéroclite où, telles les origines des protagonistes, divers styles musicaux (gospel, blues, jazz, rock, pop, musique savante…) se mêlent dans un discours sans cesse changeant. Mais au-delà de ce mélange, on est frappé et captivé par l’extraordinaire qualité de la musique, sa richesse, sa complexité, notamment au niveau de l’orchestration ou de lignes vocales d’une grande invention.
Confier une telle partition aux jeunes chanteurs du Studio de l’Opéra de Lyon était un pari osé mais magnifiquement transformé : on est en effet saisi par l’aisance tant vocale que scénique de des artistes (ici sonorisés) affrontant crânement, égalant et parfois même dépassant ceux de l’enregistrement dirigé par le compositeur chez Nonesuch.
Tous sont à louer, mais on retiendra avant tout l’impressionnante prestation de Biao Li, ténor à la superbe voix claire et percutante mais aux graves nourris. Axelle Fanyo stupéfie elle aussi par l’émotion qu’elle distille avec un superbe soprano malléable à l’envi. Elle forme par ailleurs avec les autres protagonistes féminins, la très touchante Clémence Poussin en Consuelo et la Tiffany de Louisse Kuyvenhoven, un trio hilarant dans une scène inoubliable où les femmes clament leur attirance revendiquée pour les bad boys.
On retiendra encore le superbe baryton d’Alban Zachary Legos, d’une grande finesse et parfois bouleversant (Song of Liberation). Christian Joël en pasteur libidineux est impayable et montre une très grande aisance dans un rôle crucifiant (Crushed by the Rock). Même engagement et mêmes qualités vocales chez Aaron O’Hare campant un parfait Mike, policier n’assumant pas son homosexualité.
Les huit musiciens formant l’ensemble instrumental sont magnifiquement conduits par Vincent Renaud qui sait leur insuffler énergie, élégie ou groove. Le texte d’intention du metteur en scène Eugen Jebeleanu donne initialement quelque inquiétude à force de brasser encore plus large que le livret. C’est donc une heureuse surprise que de prendre un grand plaisir à un travail scénique très habile, au décor figurant un immeuble où l’étage propose trois espaces distincts et où les instrumentistes occupent le rez-de-chaussée.
Des espaces figurant une église à jardin et une tribune à cour complètent le dispositif. L’esthétique très colorée, bigarrée, naïve et idéalisée, à la manière de Pierre & Gilles, renvoie admirablement à l’intrigue. Surtout, une remarquable direction d’acteurs donne une vie puissante à tout ce qui se déroule sur le plateau. Production modèle.
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