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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Combattimento, la théorie du cygne noir, dans une mise en scène de Silvia Costa et sous la direction de Sébastien Daucé au festival d’Aix-en-Provence 2021.
Aix 2021 (2) :
Alpha et oméga
Seul spectacle baroque de cette édition d'Aix, Combattimento, la théorie du cygne noir se distingue moins par le projet nébuleux de Silvia Costa, proche du théâtre musical et autour de la thématique combat-lamentations-soulèvement-reconstruction, que par la qualité des voix de l'Ensemble Correspondances sous la direction de Sébastien Daucé.
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Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence
Le 07/07/2021
David VERDIER
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Ce Combattimento, la théorie du cygne noir est un projet qui oscille entre performance et théâtre musical, à la façon d'un théâtre visuel et poétique. Le cygne noir désigne la théorie développée par l'essayiste et statisticien Nicholas Taleb au sujet des biais cognitifs qui nous font juger comme improbables des faits qui se situent en dehors de toute attente et dont les répercussions bouleversent et modifient le contexte général à très grande échelle.
Ainsi, Le Combat de Tancrède et Clorinde, issu du huitième livre de madrigaux de Monteverdi et basé sur ce passage célèbre de la Jérusalem libérée du Tasse où la princesse dissimulée sous une armure de chevalier tombe sous les coups de son amant ignorant sa véritable identité.
Silvia Costa explore la puissance des larmes contre les armes en développant les conséquences de la mort de Clorinde telle une métaphore universelle des actions et des conséquences sur la survie de l'humanité et la protection de la planète. Le projet construit par le dramaturge Antonio Cuenca Ruiz relie le chef-d'œuvre de Monteverdi à un florilège de pièces vocales allant de Francesco Cavalli à Giacomo Carissimi en passant par Luigi Rossi ou Tarquinio Merula.
L'ensemble est chapitré en trois moments (Combat, lamentations, soulèvement et reconstruction) avec prologue et épilogue, rythmé par la narration très contrastée de Valerio Contaldo. La fosse est admirablement proportionnée au lieu et aux voix avec des Correspondances dont Sébastien Daucé tire le meilleur, dans un jeu subtil de timbres et de lignes instrumentales.
De cette narration-métaphore, seul l'épisode du combat à proprement parler mérite attention – principalement par l'efficacité des éléments visuels, dont la belle citation des Targets, toiles-objets de l'artiste pop art Jaspers John qui donne à l'idée d'affrontement et de joute un très adéquat support abstrait. Ce combat de lumières et néons dans la nuit noire est réglé à la perfection par le talent de l'éclairagiste Bernd Purkrabek, capable de faire varier le thème par un subtil jeu d'éblouissements et de couleurs.
La voix d'Étienne Bazola campe un Tancrède très sanguin face à la ligne précautionneuse de Julie Roset en Clorinde. Le basculement dans les lamentations de la "mère" et de la "fille" donne l'occasion d'admirer la voix troublante de Lucile Richardot dans l'extrait de La Didone de Cavalli Alle ruine del mio regno. Peu d'intérêt en revanche pour une dramaturgie virant à la démonstration bien-pensante avec la construction en temps réel d'une vaste maquette où les vertes collines se couvrent de maisons et d'immeubles, entourés de deux panneaux : alpha et oméga.
Un début et une fin que vient hypothéquer la représentation d'un champignon nucléaire qu'on aurait pu confondre avec un bouquet de fleurs au moment où il fait son apparition, enveloppé d'une bâche en plastique tandis que les solistes entonnent le Tenebrose mie squadre, ombre guerriere de l'Egisto de Cavalli, enchaînant de belle manière le Ballo dei fantasmi de Luigi Rossi. La mise à nu du corps féminin allongé dans ce paysage dévasté livre à cette fable philosophique un point de conclusion ouvert sur un espoir.
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Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence Le 07/07/2021 David VERDIER |
| Combattimento, la théorie du cygne noir, dans une mise en scène de Silvia Costa et sous la direction de Sébastien Daucé au festival d’Aix-en-Provence 2021. | Combattimento, la théorie du cygne noir
Lamentations, madrigaux, airs ou pièces instrumentales de Claudio Monteverdi (1567-1643), Tiburtio Massaino (1550-1609), Francesco Cavalli (1602-1676), Giacomo Carissimi (1605-1674), Tarquinio Merula (1595-1665), Luigi Rossi (1597-1653)
Valerio Contaldo
Lucile Richardot
Julie Roset
Etienne Bazola
Nicolas Brooymans
Caroline Weynants
Antonin Rondepierre
Blandine de Sansal
Justine Assaf-Hausfater (Figurante)
Ensemble Correspondances
direction : Sébastien Daucé
scénographie : Silvia Costa
costumes : Laura Dondoli
Ă©clairages : Bernd Purkrabek | |
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