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CRITIQUES DE CONCERTS 11 décembre 2024

Nouvelle production des Noces de Figaro de Mozart dans une mise en scène de Lotte de Beer et sous la direction de Thomas Hengelbrock au festival d’Aix-en-Provence 2021.

Aix 2021 (4) :
Noces barbares

© Jean-Louis Fernandez

Les Noces de Figaro n'ont pas toujours été une réussite au Festival d'Aix, mais rien ne semblait annoncer un échec aussi monumental que cette production signée Lotte de Beer. De poncifs en caricatures, on sombre dans une vulgarité sans nom, sans pouvoir se rattraper sur un plateau de qualité, ni sur l'orchestre dirigé par Thomas Hengelbrock.
 

Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence
Le 09/07/2021
David VERDIER
 



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  • Contrairement Ă  Beaumarchais qui lui substitue la question sociale et l'horizon rĂ©volutionnaire, le livret de Da Ponte parle explicitement de l'obsession du sexe comme dĂ©sir prĂ©dateur. Était-ce une raison pour que Lotte de Beer se saisisse du sujet et l'agrĂ©mente Ă  la sauce #metoo ? Le rĂ©sultat est une production bâclĂ©e qui assène et exagère un message dĂ©jĂ  parfaitement accessible. La ligne rouge est ici de montrer une première partie volontairement hilarante, prĂ©ambule Ă  une seconde annoncĂ©e plus rĂ©flexive et profonde sur le rapport entre les hommes et les femmes.

    Préambule à l'hilarité, une pantomime Commedia dell’Arte s'invite avant même que le rideau ne se lève. Une confusion en chasse une autre, avec ce I traité sur le mode Benny Hill, où le public est appelé à rire et applaudir à tous les gags à l'humour alternant entre épaisseur et machisme. Susanna est donc cette soubrette exploitée par la concupiscence d'un comte balourd et promise à un Figaro peu subtil, poursuivi par une Marcellina décatie mais volontiers exhibitionniste – lutter contre "la grossophobie et l'âgisme" nous dit le texte de présentation. Une pathétique danse de pénis géants conclut en apothéose cette première partie qui a tous les atours du naufrage visuel.

    La seconde feint momentanément de prendre le contrepied, avec ce plateau vide de tout artefact et cette cage de verre au centre de la scène où la Comtesse entonne son Dove sono avec un slogan vantant les vertus de l'amour. S'enchaîne la scène dans le jardin avec une malencontreuse troupe de tricoteuses (mouvements de protestation sociale aux États-Unis) qui font jaillir de la cage de verre un arbre de paix multicolore, prélude à un septuor où les genres et les sexes se mêlent, échangeant leurs attributs dans la plus parfaite béatitude.

    Le plateau ne présente pas d'éléments majeurs. La Susanna de Julie Fuchs possède les notes du rôle mais ni le phrasé trop uniforme ni surtout l'esprit (Deh vieni, non tardar) ne compensent une interprétation qui peine à rendre l'évolution du personnage en profondeur. Même sentiment avec le Figaro d'Andrè Schuen, voix bien projetée et parfait instrument sans les arrières plans psychologiques qui signeraient un interprète attentif au texte et à l'environnement dramaturgique.

    En dehors des caractéristiques caricaturales auxquelles contraint la scénographie, l'opposition entre le Comte de Gyula Orendt et la Comtesse de Jacquelyn Wagner joue sur des éléments qui semblent gommer chez l'un et l'autre toute référence à un chant et une ligne contrastés. La voix reste invariablement sur le même mode expressif, sans subtilité ni la palette de couleurs. Passons sur une Marcellina méconnaissable (Monica Bacelli), un Bartolo sans caractère (Maurizio Muraro), pour saluer les qualités de phrasé de Lea Desandre qui ferait presque oublier le mince filet de voix qui se perd dans l'acoustique du lieu.

    Entre récitatifs bousculés et direction à hue et à dia, la prestation de Thomas Hengelbrock à la tête de son Balthasar Neumann Ensemble pourra faire naître quelques désillusions chez ceux qui le pensaient plus à son aise dans ce répertoire. Les cordes sont plates, la petite harmonie sans expression, prisonniers l'un et l'autre de tempi cravachés et d'une urgence à précipiter tous les détails dans un même flux. Une soirée à ranger au rayon des mauvais souvenirs.




    Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence
    Le 09/07/2021
    David VERDIER

    Nouvelle production des Noces de Figaro de Mozart dans une mise en scène de Lotte de Beer et sous la direction de Thomas Hengelbrock au festival d’Aix-en-Provence 2021.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Le Nozze di Figaro, opera buffa en quatre actes (1786)
    Livret de Lorenzo da Ponte d'après Le Mariage de Figaro de Beaumarchais

    Chœur du CRR de Marseille
    Balthasar Neumann Ensemble
    direction : Thomas Hengelbrock
    mise en scène : Lotte de Beer
    décors : Rae Smith
    costumes : Jorine van Beek
    Ă©clairages : Alex Brok
    préparation des chœurs : Anne Perissé dit Prechacq

    Avec :
    Andrè Schuen (Figaro), Julie Fuchs (Susanna), Gyula Orendt (Il Conte di Almaviva), Jacquelyn Wagner (La Contessa Almaviva), Lea Desandre (Cherubino), Monica Bacelli (Marcellina), Maurizio Muraro (Bartolo), Emiliano Gonzalez Toro (Don Basilio / Don Curzio), Elisabeth Boudreault (Barbarina), Leonardo Galeazzi (Antonio).

     


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