|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
04 décembre 2024 |
|
7 Deaths of Maria Callas de Marina Abramović, sous la direction de Yoel Gamzou à l’Opéra de Paris, en ouverture du Festival d’automne.
Loin de la Callas
Reporté de la saison précédente, les 7 Morts de Maria Callas, opéra conçu par Marina Abramović sur commande de l’Opéra de Bavière, déçoit nettement. Le spectacle s’éloigne du théâtre lyrique sans constituer véritablement une performance semblable à celles qui ont rendu l’artiste serbe célèbre, au profit d’un étalage nombriliste.
|
|
Frénésie de la danse
Clavecin itératif
RĂ©serve expressive
[ Tous les concerts ]
|
Rester couchée, pendant 1h20, les yeux fermés, dans un fac-similé de lit ayant appartenu à Maria Callas : voilà l’essentiel de la performance de Marina Abramović, figure légendaire du body art. Premier étonnement d’une longue liste, cette prestation s’éloigne considérablement de celles qui ont fait la renommée de l’artiste serbe qui mettait fréquemment son intégrité corporelle en danger.
Dans le même temps, sept jeunes cantatrices chantent tour à tour un air. Certains rôles sont étroitement associés à Maria Callas (Tosca, Violetta, Norma), d’autres n’ont jamais été joués sur scène par la soprano (Carmen, Desdemone). Pour chaque aria, la scénographie est immuable. Tout d’abord, alors que des nuages sombres se projettent sur des rideaux de tulle, la voix off de Marina Abramović égrène dans un anglais à la diction emphatique quelques banalités au sujet de l’air à venir.
Chaque chanteuse dans un costume de soubrette de palace de luxe entre à jardin, débite son air dans la pénombre, passe devant le corps de Maria/Marina, et sort à cour. Cette conception soigneusement antithéâtrale laisse entièrement le champ pour l’écran situé juste derrière les protagonistes. Sept vidéos y sont donc projetées successivement, dans lesquelles apparaissent l’acteur américain Willem Dafoe et la performeuse, persuadée de sa ressemblance à la Callas.
Ces images tournées avec un grand luxe de décors et de costumes, illustrent avec quelques variations les airs. Pour Otello, Dafoe dépose sur le torse de Maria un gigantesque serpent très photogénique qui vient l’enrouler de ses anneaux et l’étouffer. Butterfly erre dans un paysage ravagé par une explosion nucléaire, enlève sa combinaison antiradiation et succombe aussitôt. À côté de l’évocation de cette menace pour l’humanité, la question du genre est « abordée » : Carmen est cintrée dans le costume d’Escamillo, et pour Norma, c’est Dafoe qui joue la druidesse, mais son beau visage maquillé évoque irrésistiblement Terence Stamp dans le film Priscilla, folle du désert !
De surcroît, le défilé de jeunes chanteuses plus ou moins talentueuses mais sans personnalité marquante s’apparente plus à une audition qu’à un spectacle lyrique. Il faut dire que la direction erratique de Yoel Gamzou ne les sert guère. L’air de la folie de Lucia y perd notamment toute progression dramatique. Au terme des sept morts, un nouvel interlude bruissant permet le premier et dernier changement de décor.
Pour ce dernier tableau, Abramović joue ce qu’elle imagine être les derniers moments de la diva avenue Georges Mandel. Elle ouvre les yeux, se lève enfin, égrène en voix-off des banalités, consulte des photos et disparaît dans la lumière de la salle de bain. Les chanteuses déguisées en employées de palace viennent faire le ménage et disposer du tulle noir sur les miroirs et les meubles. Un électrophone est mis en marche et la véritable voix de Callas retentit dans des crachotements. La performeuse habillée d’une robe de lumière revient onduler jusqu’à ce que l’air se rompe brutalement. Rideau.
En définitive, le point positif de ce spectacle est d’avoir amené un nouveau public à l’Opéra de Paris. Mais les fans et amateurs de Maria Callas seront sans doute déçus par une soirée très éloignée de l’univers artistique de la chanteuse.
| | |
|
Palais Garnier, Paris Le 02/09/2021 Thomas DESCHAMPS |
| 7 Deaths of Maria Callas de Marina Abramović, sous la direction de Yoel Gamzou à l’Opéra de Paris, en ouverture du Festival d’automne. | 7 Deaths of Maria Callas (2020)
Livret de Peter Skavian et Marina Abramović, sur des scènes d’opéras de Bellini, Bizet, Donizetti, Puccini et Verdi
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
direction : Yoel Gamzou
mise en scène, décors : Marina Abramović
costumes : Riccardo Tisci
éclairages : Urs Schönebaum
film : Nabil Elderkin
vidéo intermezzos : Marco Brambilla
conception : Marina Abramović
musique : Marko Nikodijević
Avec :
Marina Abramović (actrice film et performance), Willem Dafoe (acteur film), Hera Hyesang Park (Violetta Valéry), Selene Zanetti (Floria Tosca), Leah Hawkins (Desdemona), Grabriella Reyes (Cio-Cio-San), Adèle Charvet (Carmen), Adela Zaharia (Lucia Ashton), Lauren Fagan (Norma). | |
| |
| | |
|