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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
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Concertos de Vivaldi par l'Orchestre Baroque de Venise avec le violoniste Giuliano Carmignolia.
Un défi à la morte-saison
Après un enregistrement remarquable et remarqué d'une oeuvre rendue difficile à force d'être rabâchée, les Quatre Saisons, on attendait avec impatience que Giuliano Carmignolia et ses complices se soumettent à l'épreuve du feu : le concert. Un défi réussit mais qui sera sans doute lourd de conséquence.
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L'amateur d'art trouve à Venise de quoi s'étourdir de merveilles : les architectures de Sansovino, Longhena, Palladio, les églises, les peintures de Bellini, Carpaccio, Titien, Tintoret, Véronèse et de cent autres. Le mélomane, en revanche, ne peut que jeûner. L'opéra La Fenice n'est pas encore rené de ses cendres et la vie musicale se limite le plus souvent à d'obscurs concerts Vivaldi pour touristes crédules. La ville, natale ou adoptive, de Gabrieli, Monteverdi, Cavalli, Caldara, Albinoni et autres Vivaldi n'avait pas encore d'orchestre baroque. Il aura fallu 1997 pour que l'Orchestre baroque de Venise voit le jour, grâce aux efforts du claveciniste Andrea Marcon, autrefois co-fondateur des Sonatori de la Gioiosa Marca à Trévise.
Les musiciens vénitiens ont partagé le programme de leur premier disque (Sony Classical), consacré à des concertos pour violon de Vivaldi, entre le banal (quatre) et l'inédit (trois) : Les Quatre Saisons (si, si !) et les concertos RV 211, 257 et 376. "Folie" crieront les discophiles écrasés sous des dizaines de versions, "Marketing" railleront les blasés, "Il faut bien se faire une carte de visite" concluront les plus avisés. Mais le disque semble avoir aiguisé l'appétit du public et il se pressa avec enthousiasme en l'église Saint-Roch, à Paris, pour assister à leur premier concert en France. Heureuse surprise : ce disque s'avère ne pas être un leurre ni une photo travaillée en studio mais un reflet fidèle d'une réalité musicale.
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Les Vénitiens proposent ainsi un Vivaldi haut en couleurs et riche en contrastes, dessiné à traits cursifs et nets. Si leur interprétation met en lumière tous les éléments descriptifs de la partition (le chien qui aboie, la scène du froid, l'orage, les danses paysannes), elle ne les isole jamais de la ligne directrice. Pas de coups de théâtre tapageurs, de surenchère pyrotechnique ni d'effets spéciaux comme dans certaines versions "supersoniques". Le but n'est manifestement pas de malmener ni de surprendre à tout prix l'auditeur mais de lui restituer la puissance expressive de la musique sans en négliger la courbe mélodique, la fameuse vocalità italienne.
Quant au soliste, ce n'est pas une découverte. Giuliano Carmignola avait déjà signé un merveilleux enregistrement des Quatre Saisons avec les Sonatori della Gioiosa Marca (Marcon tenait le clavecin). Il resplendit toujours et peut s'enorgueillir du violon baroque le plus lyrique, le plus vocal, le plus solaire qui soit. Malgré la virtuosité renversante, le son reste de miel, le geste aristocratique et l'expression sans relâchement.
Grand compositeur d'opéra et de musique sacrée, Vivaldi aurait certainement apprécié ce style si naturellement chantant, ces couleurs pastel et cet équilibre souverain. Venise a enfin trouvé un ensemble baroque digne de son passé. Reste que cette réussite est à double tranchant pour l'ensemble vénitien, il va être condamné à jouer mille fois de par le monde ces Quatre Saisons.
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Eglise Saint-Roch, Paris Le 07/11/2000 Philippe VENTURINI |
| Concertos de Vivaldi par l'Orchestre Baroque de Venise avec le violoniste Giuliano Carmignolia. | Antonio Vivaldi
Quatre Saisons et concertos RV 211, 257 et 376.
l'Orchestre baroque de Venise
Direction : Andrea Marcon
Giuliano Carmignola (violon) | |
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