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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Entrée au répertoire de La Gioconda de Ponchielli dans une mise en scène d’Olivier Py et sous la direction de Roberto Rizzi-Brignoli au Théâtre du Capitole, Toulouse.
La Joconde dans les docks
Pour son entrée au répertoire du Capitole, La Gioconda retrouve la mise en scène sombre d’Olivier Py créée à La Monnaie de Bruxelles. Béatrice Uria-Monzon y tient toujours avec feu le rôle-titre, face à une distribution presque intégralement renouvelée et sous la direction de Roberto Rizzi-Brignoli, au style italien vivace et sans concession.
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Rare opéra à donner un grand rôle à six chanteurs de six tessitures différentes, La Gioconda entre cette saison au Capitole de Toulouse, dans la production découverte en 2019 à Bruxelles. Olivier Py ne signe pas ici sa mise en scène la plus inspirée, mais traite le sujet avec son habituelle intelligence, mélange d’un regard sombre développé par le décor gris de Pierre-André Weitz et d’une utilisation charnelle des corps pour accentuer le propos.
Plutôt que la Venise plus colorée de l’opéra, on revient à la noirceur du drame de Hugo, Angelo, tyran de Padoue, pour proposer une scène en forme de docks crasseux, où tous les protagonistes se retrouvent inéluctablement les pieds dans l’eau – au risque d’être souvent bruyants. Les passages de ferries en format miniature sur des tables apportent une touche de conflit moderne, du reste surtout développé comme à son habitude par le metteur en scène grâce à la nudité et à la violence des chairs.
Ainsi, si certains duos ou ensembles ne gagnent pas particulièrement à être doublonnés par des danseurs, qui parfois focalisent même trop l’attention, la célèbre Danse des heures, débutée dans la douceur pour passer par une phase de viol collectif à la Orange mécanique, puis à des gestes caricaturés dans la dernière danse, offre des images marquantes. La récurrence d’un masque de clown malveillant disproportionné, retrouvé sur les visages du chœur ensuite, ajoute au sentiment permanent de malaise.
Des deux distributions bruxelloises, le directeur Christophe Ghristi n’a sauvé que l’héroïne en Occitanie, Béatrice Uria-Monzon, aujourd’hui encore d’une superbe flamme sur tout l’ambitus du spectre jusqu’au marquant Suicidio, avec seulement parfois un registre aigu en manque de brillance. Ramón Vargas possède moins de souffle qu’autrefois, mais maîtrise parfaitement sa technique pour aborder les passages les plus complexes d’Enzo Grimaldo, dont une romance livrée avec émotion.
Le baryton Pierre-Yves Pruvot entre dès son introduction et l’aria O monumento dans les habits violents de Barnaba, avec le désir de toujours vouloir étrangler tout le monde, jusqu’à le pouvoir dans les derniers instants en tuant la Cieca, mère de la Joconde portée par la belle palette de graves du timbre d’alto d’Agostina Smimmero. Laura revient à la mezzo-soprano Judit Kutasi, voix parfaitement projetée et modulée, surtout dans le bas-médium.
Roberto Scanduzzi complète la distribution des rôles principaux avec un grave et une souplesse d’autant plus remarquables qu’il a été appelé pour tenir Alvise Badoero il y a quelques jours seulement. Roberto Covatta tient le rôle d’Isepo avec un timbre de ténor bien posé dans le haut du spectre, tandis que le Chœur et la Maîtrise du Capitole préparés par Alfonso Caiani affichent une superbe santé dans un chant solaire et énergique.
Toujours vif et de style très italien, Roberto Rizzi-Brignoli dynamise l’Orchestre national du Capitole en fosse, souvent sans concession de volume malgré un nombre relativement restreint de musiciens. Son geste fait pour pousser le drame se coordonne en permanence au plateau, et manque seulement de finesse, notamment dans les grands moments, dont le ballet précité, déjà entendu nettement plus subtil.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 26/09/2021 Vincent GUILLEMIN |
| Entrée au répertoire de La Gioconda de Ponchielli dans une mise en scène d’Olivier Py et sous la direction de Roberto Rizzi-Brignoli au Théâtre du Capitole, Toulouse. | Amilcare Ponchielli (1834-1886)
La Gioconda, opéra en quatre actes (1876)
Livret d’Arrigo Boito d’après Victor Hugo
Chœur et Maîtrise du Théâtre du Capitole
Orchestre national du Capitole
direction : Roberto Rizzi-Brignoli
mise en scène : Olivier Py
décors & costumes : Pierre-André Weitz
Ă©clairages : Bertrand Killy
préparation des chœurs : Alfonso Caiani
Avec :
BĂ©atrice Uria-Monzon (La Gioconda), Judit Kutasi (Laura), Agostina Smimmero (La Cieca), RamĂłn Vargas (Enzo Grimaldo), Roberto Scanduzzi (Alvise Badoero), Pierre-Yves Pruvot (Barnaba), Roberto Covatta (Isepo), Sulkhan Jaiani (Zuane / un Pilote), Hugo Santos (Barnaboto / un chanteur). | |
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