Dans une tendance LGBTQ assumée jusqu’à la provocation, à l’image de la dernière pièce de son portrait musical à l’Espace Pierre Cardin, Philip Venables coche toute les cases de l’artiste à mettre en avant dans la société actuelle. Pourtant, s’il est déjà si représenté, ce n’est autre que par la véritable modernité de sa musique, portée par une parfaite maîtrise de la forme, à même d’intégrer sans problème les Variations Goldberg dans une œuvre biographique pour accordéoniste solo.

Aujourd’hui compositeur exclusif pour partitions avec voix, Philip Venables écrivait encore juste pour instruments il y a une décennie, comme présenté dans le premier ouvrage de ce cycle Talking Music, dans le cadre du Festival d’Automne. Les trois musiciens entrés en scène débutent alors par le premier mouvement du Trio des esprits de Beethoven, puisque pour son Klaviertrio im Geiste en écho, Venables ne commence qu’au suivant.

Entre les deux, Romain Pageard, volontairement dans un pantalon ample et un pull au caractère sociétal féminin, fait monter l’artiste pour échanger quelques mots. Puis la musique reprend, avec un Adagio dont le matériau n’est pas sans rappeler le Messiaen du Quatuor pour la fin du temps, à l’instar de celui des Numbers 81-85 joués plus tard dans la soirée, écrits comme le trio en 2011. Puis le Scherzo rappelle parfois Pärt et le Rondo plutôt Cage, bien que tout l’ouvrage démontre déjà de la maîtrise d’écriture de Venables.

Créé sur un texte de Ted Huffman autour de l’histoire des parents de l’accordéoniste, racontée pendant les vingt minutes où il interprète la pièce, My Favorite Piece is the Goldberg Variations trouve en Andreas Borregaard un artiste exceptionnel, à même de tirer les larmes dans un lamento à la Chostakovitch, puis à l’apparition du thème des variations de Bach. Le Collectif lovemusic entre ensuite au complet, Emiliano Gavito à la place de récitant, pour le toujours fascinant Coming Together de Rzewsky, sur les phrases répétées d’une magnifique lettre de Sam Melville.

Les deux cycles de Numbers, celui de 2011 puis celui de 2021, développés par la mezzo-soprano Grace Durham, montrent la progression du style de Venables en dix ans, avant que sa pièce la plus provocatrice, écrite à la suite du Brexit, ne mette en avant le performer David Hoyle par la vidéo utilisée dès la création d’Illusions, en 2017. D’abord pensée pour commémorer les cinquante ans de la légalisation de l’homosexualité, l’œuvre composée au moment des élections en Angleterre traite de la comédie humaine dans un langage cru et violent, soutenue là encore par lovemusic.




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Reprise de 4.48 Psychosis le 16 décembre à la Cité de la Musique, Paris.