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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Reprise de La Khovantchina de Moussorgski dans la mise en scène d’Andrei Serban, sous la direction de Hartmut Haenchen à l’Opéra de Paris.
Jeux de pouvoir
Pour sa seconde reprise en vingt ans, la Khovantchina imaginée par Andrei Serban offre toujours de magnifiques tableaux à défaut d’une vraie expérience théâtrale, et bénéficie de nouveau d’une distribution de tout premier plan sur la scène de Bastille. Une soirée d’autant plus captivante que Hartmut Haenchen s’essaie à une relecture dans la fosse.
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La Khovantchina selon Andrei Serban retrouve les planches de l’Opéra de Paris pour la deuxième fois, toujours dans l’orchestration de Chostakovitch in extenso, donc sans la conclusion intime imaginée par Stravinski. Inauguré en 2001, le spectacle avait déjà connu une somptueuse distribution lors de sa reprise de 2013. Osera-t-on affirmer que celle de cet hiver l’est plus encore ?
Les voix graves triomphent ce soir dans la grande nef de Bastille. Dimitry Ivaschchenko est un Khovanski gigantesque de roublardise et de méchanceté, appuyé sur une déclamation dont les consonnes dures donnent un relief inouï à son incarnation. Dès son entrée tonitruante, le Dossifei de Dmitry Belosselskiy écrase toute concurrence en termes d’ampleur et de domination du religieux sur le séculier, non sans trouver de magnifiques nuances dans son ultime monologue. La Marfa d’Anita Rachvelishvilli ne s’en laisse pas compter, grand contralto à l’ancienne dont la voix de poitrine tonne, très mâle, seulement à la peine sur l’extrémité haute du spectre au V.
La couleur peu slave de John Daszak illustre finalement bien un Prince Golitsine ouvert sur l’Occident et la modernité, étranger par nature à la Russie éternelle. De la même manière, le ténor barytonnant et un peu laryngé de Sergei Skorokhodov distille toute la couardise d’un Andreï en véritable butor. Dominant d’excellents rôles secondaires (Gerhard Siegel en Clerc), Evgeny Nikitin démontre en Chakloviti qu’avec les années, il a troqué une partie de son métal contre de la rondeur, et trouve sa vitesse de croisière dans la bouleversante déploration du III.
Depuis la fosse, tout ce beau linge est mené à contre-pied de la tradition de Mikhaïl Jurowski en 2013 par l’Allemand Hartmut Haenchen, qui dirige dans la lignée d’un Nagano, le trait fin, aminci, dans une esthétique du ventre creux mettant en lumière la modernité de l’écriture, les jeux de timbres répondant aux jeux de pouvoir du livret. Fascinante interprétation annonçant le XXe siècle et qui, pour essouffler parfois la dramaturgie, imprime aux rares saillies orchestrales un relief saisissant.
On ne déplorera que davantage une synchronisation défaillante, pas une intervention vraiment dans les clous, sans cesse au bord du précipice, avec un chœur masqué et numériquement amputé par la flambée de contaminations au Covid qui a déjà eu raison de deux représentations. Scéniquement enfin, cette Khovantchina reste un bon spectacle de répertoire, très lisible, qui en dépit d’une gestuelle stéréotypée chez les choristes, vaut pour sa belle succession de tableaux. Jusqu’à cette forêt de bouleaux, où au milieu de la fumée et des cendres, le petit Tsar Pierre, sceptre à la main, sorti de dos d’une trappe à l’avant-scène, avance vers les suppliciés.
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Opéra Bastille, Paris Le 09/02/2022 Yannick MILLON |
| Reprise de La Khovantchina de Moussorgski dans la mise en scène d’Andrei Serban, sous la direction de Hartmut Haenchen à l’Opéra de Paris. | Modest Moussorgski (1839-1881)
La Khovantchina, drame musical historique en cinq actes (1886)
Livret du compositeur et Vladimir Stassov
Orchestration de Dmitri Chostakovitch (1959)
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Hartmut Haenchen
mise en scène : Andrei Serban
décors et costumes : Richard Hudson
Ă©clairages : Yves Bernard
chorégraphie : Laurence Fanon
préparation des chœurs : Ching-Lien Wu & Gaël Darchen
Avec :
Dimitry Ivaschchenko (Prince Ivan Khovanski), Sergei Skorokhodov (Prince Andreï Khovanski), John Daszak (Prince Vasiili Golitsine), Evgeny Nikitin (Chakloviti), Dmitry Belosselskiy (Dossifeï), Anita Rachvelischvilli (Marfa), Carole Wilson (Susanna), Gerhard Siegel (Le Clerc), Anush Hovhannisyan (Emma), Wojtek Smilek (Varsonofiev), Vasily Ekimov (Kouzka), Tomasz Kumiega (Strechnev), Volodymir Tyshkov (Premier Strelets), Alexander Milev (Deuxième Strelets), Fernando Velasquez (Un confident de Golitsine). | |
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