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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
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Création mondiale de la nouvelle version de A Quiet Place de Bernstein dans une mise en scène de Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Kent Nagano à l’Opéra de Paris.
RĂ©surrection triomphale
Dans une nouvelle orchestration et dans une production exemplaire de sensibilité, la version resserrée du dernier opéra de Bernstein déploie comme jamais auparavant ses qualités tant vocales qu’orchestrales au Palais Garnier. Trente-neuf ans après sa création à Houston, l’œuvre peut enfin être évaluée à sa juste mesure.
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À l’occasion du centenaire de la naissance de Leonard Bernstein, ses héritiers ont largement témoigné de l’amertume du compositeur face à au fait qu’on le réduisait à être l’auteur d’un seul succès, West Side Story. Aussi ont-ils tout fait pour relancer la diffusion d’œuvres comme Mass et A Quiet Place. Avec la bénédiction des ayants-droits, Garth Edwin Sutherland réalisa une énième mouture du dernier opéra de Bernstein, resserrant le livret autour des principaux personnages et réduisant l’orchestration à dix-huit instrumentistes.
Sans entracte, l’opéra trouve finalement le format désiré à l’origine par le compositeur qui, en 1981, annonçait une durée comparable à la Salomé de Richard Strauss. De toute évidence, l’adaptation de cette version chambriste pour une grande maison d’opéra comme celle de Paris, nécessitait d’étoffer l’orchestre sans revenir à l’orchestration d’origine trop épaisse pour l’écriture vocale de l’œuvre et sans remettre en service le synthétiseur auquel Bernstein tenait tant.
Ce nouveau travail est un triomphe sans mélange. Non seulement l’orchestre devient un parfait caméléon, épousant la variété de styles utilisés par le compositeur, mais il ne menace jamais la compréhension du texte, si essentielle pour cette histoire de déchirement familial autour des funérailles d’une mère et épouse morte dans un accident de voiture. Un livret qui semble du reste sur mesure pour le metteur en scène Krzysztof Warlikowski.
Si la vidéo montrant l’accident pèche par maladresse malgré l’utilisation des techniques numériques dernier cri, le reste de la mise en scène est d’une grande finesse. En particulier, dans la présentation des incessants flashbacks évoquant la jeunesse des enfants. L’ajout incroyablement juste et astucieux d’une séquence où le jeune garçon regarde à la télévision un extrait d’un des Young People’s Concert montrant Bernstein commenter le climax de la Quatrième Symphonie de Tchaïkovski marque ce spectacle du sceau du génie. La direction d’acteur d’une grande profondeur rend magnétique la présence des chanteurs dès la scène insensée au funérarium.
Le baryton Russell Braun incarne avec émotion un père aux sentiments ambivalents. Gordon Bintner endosse avec panache le rôle délicat du fils homosexuel aux traumatismes nombreux qui font de lui l’anti-enfant du rêve américain. Sa sœur chantée de manière éloquente par Claudia Boyle déborde d’amour, tandis que Frédéric Antoun est de manière éclatante François, l’amant de l’un et le mari de l’autre, personnage clé d’un possible apaisement de cette famille en souffrance présentée de manière tragicomique.
Tous les quatre ainsi que les seconds rôles présents dans le premier acte servent la partition en soulignant à la fois son lyrisme et la réussite de sa prosodie. Dans la fosse, l’Orchestre de l’Opéra de Paris sonne d’une virtuosité étourdissante tout en respectant des nuances dynamiques subtiles, avec une mention particulière pour les cuivres et les percussions qui sont le sel d’une partition fascinante. Familier de l’œuvre depuis la version de chambre, Kent Nagano conduit au triomphe ce qui est aussi la toute première représentation de l’ouvrage en France.
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Palais Garnier, Paris Le 09/03/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Création mondiale de la nouvelle version de A Quiet Place de Bernstein dans une mise en scène de Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Kent Nagano à l’Opéra de Paris. | Leonard Bernstein (1918-1990)
A Quiet Place, opéra en un prologue et trois actes (1983-1986)
Livret de Stephen Wadsworth
Adaptation du livret et orchestration de Garth Edwin Sutherland (2013-2022)
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Kent Nagano
mise en scène : Krzysztof Warlikowski
décors et costumes : Małgorzata Szczęśniak
Ă©clairages : Felice Ross
vidéo : Kamil Polak
Avec :
Claudia Boyle (Dede), Frédéric Antoun (François), Gordon Bintner (Junior), Russell Braun (Sam), Colin Judson (le directeur funéraire), Régis Mengus (Bill), Hélène Schneiderman (Susie), Loïc Félix (le Psychanalyste), Jean-Luc Ballestra (Doc), Emanuela Pascu (Madame Doc), et Marianne Croux, Ramya Roy, Kiup Lee, Niall Anderson (Mourners). | |
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