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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 septembre 2024 |
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Les Dialogues des carmélites avec une distribution peu francophone suscitent toujours une certaine appréhension, tant cela revient à parier non seulement sur une diction défaillante mais surtout sur une prononciation manifestant une incompréhension profonde de la phrase. Cette production zurichoise ne fait pas exception.
La troupe de chanteurs offre quelques personnalités fortes magnifiant la partition de Poulenc et sa vocalité si exigeante. Au sommet, la Madame Lidoine d’Inga Kalna, qui affronte crânement une partie quasi impossible. Ici, la beauté de l’instrument est associée à une ligne impeccable où les aigus sont assumés sans force. Ses deux monologues, pas parfaitement intelligibles, sont au moins musicalement remarquables.
Au même niveau, lacune du français y compris, la Mère Marie d’Alice Coote, beau timbre, fine musicienne, percutante mais sans dureté. Olga Kulchynska est une Blanche sobre et touchante tandis que Sandra Hamaoui en Constance affiche timbre délicieux et belle incarnation, sans mièvrerie. Reste le cas d’Evelyn Herlitzius que l’on n’attendait pas dans ce répertoire. Cette Brünnhilde, cette Elektra inoubliable joue Madame de Croissy de manière expressionniste. La voix a toujours son magnétisme mais le chant est rude. Est-ce encore du Poulenc ?
Du côté des hommes, le Chevalier de Thomas Erlank est très stylé et convaincant, tout comme l’Aumônier de François Piolino, mais le Marquis de Nicolas Cavalier déçoit par une prononciation peu affutée (alors qu’il est le seul français parmi les grands rôles de la distribution) et par sa manière de faire du son, de l’hédonisme au détriment de la noblesse.
Il n’est guère aidé par une direction énergique et massive, voire brutale et souvent trop sonore. Certaines nuances subsistent, notamment dans les interludes, où les bois font là encore du beau son, épais, démonstratif et bien peu français – le cor anglais, qui semble jouer Tristan. La battue de Tito Ceccherini manque de la finesse dont font preuve nombre de chanteurs. Déplorons encore quelques petites coupures et le début d’un interlude avec clarinette basse déplacé au tout début de l’ouvrage.
La mise en scène de Jetske Mijnssen est habile, ne transpose pas l’action (superbes costumes) et repose sur une scénographie très (trop ?) sobre où un décor unique évolue avec des changements dans ses ouvertures (parois, fenêtres, portes...). Une direction d’acteurs satisfaisante contrebalance cette sobriété mais l’ensemble reste peu habité, avec quelques idées étranges (des danseurs omniprésents et incongrus dans le premier tableau, trop de monde en permanence sur le plateau) mais aussi de belles réussites comme le Chevalier venant au parloir avec une robe de Blanche pour la convaincre de quitter le Carmel, et la scène finale où les sœurs effacent leur nom, inscrit par les geôliers auparavant, avant de sortir de scène. L’ensemble manque de réelle émotion.
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Opernhaus, ZĂĽrich Le 05/03/2022 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Nouvelle production des Dialogues des carmélites de Poulenc dans une mise en scène de Jetske Mijnssen et sous la direction de Tito Ceccherini à l’Opéra de Zurich. | Francis Poulenc (1899-1963)
Dialogues des carmélites, opéra en trois actes et douze tableaux (1957)
Livret d’après Georges Bernanos
Chœur de l’Opernhaus
Philharmonia ZĂĽrich
direction : Tito Ceccherini
mise en scène : Jetske Mijnssen
décors : Ben Baur
costumes : Gideon Davey
Ă©clairages : Franck Evin
chorégraphie : Lillian Stillwell
préparation des chœurs : Janko Kastelic
Avec :
Nicolas Cavallier (le Marquis de La Force), Olga Kulchynska (Blanche), Thomas Erlank (Le Chavalier), Evelyn Herlitzius (Madame de Croissy), Inga Kalna (Madame Lidoine), Alice Coote (Mère Marie), Sandra Hamaoui (Sœur Constance), Liliana Nikiteanu (Mère Jeanne), François Piolino (l’Aumônier), Freya Apffelstaedt (Sœur Mathilde), Saveliy Andreev (Premier Commissaire), Alexander Gritze (Deuxième commissaire), Valeriy Murga (Le Geôlier), Benjamin Molonfalean (L’Officier), Yannick Debus (Thierry). | |
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