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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Récital des pianistes Martha Argerich et Nelson Goerner dans le cadre de Piano**** à la Philharmonie de Paris.
Tombeau de couleurs
En rendant hommage à l’ami Nelson Freire, Martha Argerich et Nelson Goerner ont trouvé l’accord parfait dans un programme Piano**** consacré à Debussy, Mozart et Rachmaninov à la Philharmonie de Paris autant virtuose que sensible. Peu de duos de pianos atteignent une telle entente, faite de dialogue et d’écoute, l’essence même de la musique.
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Ce devait être le vingt-huitième concert de Nelson Freire produit par André Furno. La mort en a décidé autrement. Son amie de toujours, Martha Argerich, avec le concours de son compatriote Nelson Goerner, a tenu à lui rendre hommage. L’emportement initial d’En blanc et noir de Debussy ressemble un peu à un chaos originaire mais très rapidement les deux pianistes trouvent une coordination parfaite, dans l’alternance de virtuosité et d’intériorité qui traverse les trois pièces.
La deuxième, elle aussi un hommage à un défunt – le neveu de l’éditeur Durand, tombé au front pendant la Grande Guerre –, acquiert ce soir une résonnance particulière. Argerich et Goerner montrent une écoute réciproque exceptionnelle, et construisent effectivement un tombeau à la mémoire de Freire, dépassant le simple noir et blanc ou même les gris du peintre Vélasquez qui ont inspiré le compositeur.
La même chaleur se dégage de la Sonate en ré majeur de Mozart qui suit. Sans précipitation, les pianistes phrasent leur dialogue avec la même affection et des couleurs complémentaires. Les infimes variations de cette musique sont énoncées avec beaucoup de subtilité tout en conservant une ligne élégante à la plénitude réconfortante. La conversation prend un autre tour après l’entracte avec les Danses symphoniques de Rachmaninov.
Leur écriture répartit les rôles : à Nelson Goerner les accords profondément nourris, à Martha Argerich l’ornementation, et pourtant tous les deux chantent également. Les deux Argentins déploient une magie sonore qui fait complétement oublier la version orchestrale de ces pages. La respiration donne tout son cadre au lyrisme mélancolique. Les proportions parfaites trouvées par les pianistes dressent un monument d’une splendeur inouïe.
En premier bis, le Bailecito de Guastavino n’est pas une page d’une musicalité aussi riche mais l’émotion étreint tant ce morceau est associé à Nelson Freire. Enfin, le Brasileira du Scaramouche de Milhaud termine ce magnifique hommage par une exubérance contagieuse.
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Philharmonie, Paris Le 30/03/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Récital des pianistes Martha Argerich et Nelson Goerner dans le cadre de Piano**** à la Philharmonie de Paris. | Claude Debussy (1862-1918)
En blanc et noir (1915)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate pour deux pianos en ré majeur KV 448 (1781)
Serge Rachmaninov (1873-1943)
Danses symphoniques (1941)
Martha Argerich & Nelson Goerner, piano | |
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