|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
|
Mise en scène de la Passion selon saint Matthieu de Bach par Benedikt von Peter, sous la direction d’Alessandro de Marchi à l’Opéra de Bâle.
Bouleversante symbolique
Une fois de plus, le Theater Basel frappe fort avec une proposition scénique de la Matthäus-Passion de Bach quasi intégralement confiée à des enfants. La partie musicale est magistralement servie par des chanteurs et musiciens très engagés, sous la baguette d’un parfait Alessandro de Marchi. Un spectacle sobre et fort, tout à fait stupéfiant.
|
|
Wozzeck chez Big Brother
L’art de célébrer
Géométrie de chambre
[ Tous les concerts ]
|
Le Theater Basel questionne de nouveau le rapport scène-salle. C’est ici Benedikt von Peter, le patron de la maison, qui est à l’œuvre avec une scénographie audacieuse : au lieu des deux ensembles vocaux et instrumentaux prévus par Bach, installés à gauche et à droite du plateau, il en ajoute deux : l’un à l’arrière, tout en haut du deuxième balcon, l’autre en fond de scène, le tout formant une croix. Au centre, un petit proscenium surmonté d’un écran en forme de retable à trois pans sur lequel seront projetées des photos. La magistrale symbolique du dispositif est d’emblée saisissante.
Autre élément-clé, l’action est intégralement confiée à de jeunes enfants qui, comme pour une crèche vivante, élaborent avec quelques accessoires des tableaux figés dont la photographie instantanée apparaît sur l’écran les surplombant. Loin d’être saint-sulpiciens, ces tableaux séduisent par leur ingéniosité, leur simplicité et surtout l’émotion qui s’en dégage. Les enfants, membres de maîtrises de la ville, chantent les chorals et tiennent quelques répliques. L’impact dramatique de certains d’entre eux, aux rôles plus importants, est stupéfiante et bouleverse – Luis Kaviani en impressionnant Pierre.
La partie musicale est admirablement servie, notamment par les solistes, tout habillés de noir. L’Évangéliste de Robin Tritschler, maître de cérémonie guidant l’ensemble, est magnifique d’éloquence et de sûreté vocale. Tout aussi marquant est le Jésus d’André Morsch, voix magnifique, chant calme et intense, d’une grande présence scénique. Les femmes font preuve d’une sobriété exaltant l’émotion : l’alto somptueux et fervent de Jasmin Etezadzadeh le dispute à la renversante Alfheiour Erla Guomundsdottir, soprano d’une admirable pureté. Plus lyriques sont les hommes, notamment le ténor un rien acide mais performant de Nathan Haller ou la belle basse d’Alexandre Beuchat.
Plus lyriques encore sont les chœurs mais le travail sur les phrasés, la prononciation, la précision emportent l’adhésion sur cette très belle prestation tout comme celle du Sinfonieorchester Basel qui joue sur instruments modernes. Hormis le fait d’inciter à trop orner les reprises et à faire jouer aux deux ensembles certains airs où il ne devrait y en avoir qu’un, louons la direction d’Alessandro de Marchi, prenante et dramatique, avec des tempi toujours justes.
Terminons sur deux éléments forts de la production. Tout d’abord la participation du public pour les chorals, dans un esprit de communion qui remue l’âme. Enfin le parti-pris osé de faire incarner par une enfant rebelle le grain de sable qui entrave la mécanique : tentant d’empêcher ses camarades de participer au rituel guidé par les adultes, elle pousse chacun à se questionner sur la vie, la religion. D’ailleurs, sur le dernier accord, longuement tenu pianissimo, les témoignages des enfants diffusés sur l’écran manifestent leurs interrogations sur le monde d’aujourd’hui et les valeurs chrétiennes.
| | |
|
Theater, Basel Le 26/06/2022 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Mise en scène de la Passion selon saint Matthieu de Bach par Benedikt von Peter, sous la direction d’Alessandro de Marchi à l’Opéra de Bâle. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
MatthaĂĽs Passion, BWV 244 (1729)
Chœur du Theater Basel
Mädchenkantorei Basel
Knabenkantorei Basel
Divers chœurs de Bâle
Préparation : Michael Clark
Sinfoniorchester Basel
direction : Alessandro de Marchi
Mmse en scène : Benedikt von Peter
décor : Natascha von Steiger
costumes : Lene Schwind
Ă©clairages : Roland Edrich
vidéo : Bert Zander
Avec :
Robin Tritschler (l’Évangéliste), André Morsch (Jésus), Alfheiour Erla Guomundsdottir (soprano), Jasmin Etezadzadeh (alto), Nathan Haller (ténor), Alexandre Beuchat (basse),
Jasin Rammal-Rykala (Judas / Pilate / Grand PrĂŞtre 2), Vinicius Costa da Silva (Pierre / Grand PrĂŞtre 1). | |
| |
| | |
|