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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Philadelphie sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, avec le concours de la soprano Angel Blue à la Philharmonie de Paris.
Le paradoxe du chef
Le premier concert de la mini-résidence du Philadelphia à Paris propose une première partie de musique américaine dont les couleurs s’estompent après l’entracte dans Beethoven. Yannick Nézet-Séguin dirige une Eroica paradoxale mêlant jeu sans vibrato des cordes et emphase dynamique avec notamment des cors magnifiques mais tonitruants.
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En ouverture de programme, Knoxville, la délicate évocation d’une bourgade américaine de Samuel Barber, se perd un peu dans la réverbération généreuse de la salle Pierre Boulez. Placée de manière la plus optimale qui soit, c’est-à -dire au niveau des vents de l’orchestre et non pas au bord de scène, la soprano Angel Blue trouve immédiatement le ton mélancolique de cette miniature exquise. Depuis le premier balcon, sa diction irréprochable perd l’acuité attendue.
Yannick Nézet-Séguin, plutôt que de jouer la carte du pictorialisme ou du naturalisme musical, pratique une saturation des couleurs justifiée par l’orchestration luxuriante. En comparaison, le chant composé cette année par l’Américaine Valerie Coleman paraît moins moderne et beaucoup moins intéressant avec son écriture sans subtilité harmonique et son illustration au premier degré du poème de Sonia Sanchez. Mais en parfait accord avec le titre de la pièce, This Is Not A Small Voice, Angel Blue peut y déployer tout l’ambitus de son formidable organe, de manière franchement réjouissante jusqu’au délire vocal sur le mot love.
Suite à la toute récente parution au disque de son intégrale des symphonies de Beethoven avec l’Orchestre de chambre d’Europe, on était curieux d’entendre la conception du chef canadien avec son orchestre de tradition romantique. Première surprise, Nézet-Séguin recourt à une cinquantaine de cordes, soit beaucoup plus que pour son enregistrement. Deuxième surprise, il calque pourtant la manière de jouer historiquement informée, en interdisant tout vibrato.
Le rendu sonore ennuie profondément dans l’Allegro con brio qui en devient interminable, et affecte particulièrement la Marche funèbre d’autant que le chef semble ignorer les aspects les plus sombres de la musique de Beethoven. Enfin, on s’étonne d’un certain savonnage des articulations rythmiques qui rend le Scherzo anecdotique et de la dilution des ruptures harmoniques dans le Finale. Si elle n’est jamais pesante, la direction de Nézet-Séguin ne résiste pas à utiliser le plein volume d’un orchestre moderne, sauf pour les timbales dont le rôle se trouve singulièrement occulté.
Aucun paradoxe musical en revanche pour le bis très sucré : les cordes de Philadelphie déploient tous leurs sortilèges dans Adoration de Florence Price, une vraie mignardise.
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Philharmonie, Paris Le 06/09/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre de Philadelphie sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, avec le concours de la soprano Angel Blue à la Philharmonie de Paris. | Samuel Barber (1910-1981)
Knoxville : Summer of 1915 (1947)
Valerie Coleman (*1970)
This Is Not A Small Voice (2022)
Angel Blue, soprano
Ludwig Van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 3 en mib majeur op. 55 « Eroica » (1802-1804)
The Philadelphia Orchestra
direction : Yannick Nézet-Séguin | |
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