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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Lakmé de Delibes dans une mise en scène de Laurent Pelly et sous la direction de Raphaël Pichon à l’Opéra Comique, Paris.
Nocturne indien
L’économie stylistique de la mise en scène de Laurent Pelly ramène Lakmé au principal, celui d’un théâtre de la rencontre amoureuse. Sous la direction attentive de Raphaël Pichon, Sabine Devieilhe donne la plus émouvante des Lakmé, et Stéphane Degout le plus terrifiants des brahmanes. Une soirée d’une musicalité tout étoilée.
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« Sobriété », le mot vedette de l’année est lâché ! Il est sur toutes les lèvres, même sur celles des critiques musicaux. Du moins pour parler de cette nouvelle production de Lakmé où Laurent Pelly et son équipe évacuent tout exotisme de pacotille. Stylisation extrême de la forêt indienne, des panneaux de papier écru organisent l’espace scénique dans lequel les chanteurs évoluent dans une opposition des plus lisibles : aux Indiens, la clarté du coton sans couleurs mais évocatrice d’une certaine pureté, aux coloniaux britanniques l’anthracite, liberté prise avec la réalité. Des lanternes de papiers pour figurer les étals du marché, un théâtre d’ombres pour illustrer l’air des clochettes, un lit de fleurs blanches pour le duo d’amour du III.
Pelly concentre toute notre attention sur l’impossible rencontre de deux mondes. L’irruption de dialogues parlés est conforme à la première version de l’œuvre qui voit ainsi s’opposer également le monde de l’opéra qui appartient aux Indiens et le monde de l’opéra-comique rattaché aux futiles Anglais. Fallait-il pour autant exacerber cette binarité en réécrivant lesdits dialogues comme l’a fait Agathe Mélinand d’une main peu légère ? L’ensemble fonctionne et c’est l’essentiel. Avec deux incarnations saisissantes.
Stéphane Degout occupe tout l’espace d’une voix de stentor. Le rôle du brahmane Nilakantha convient parfaitement à son baryton expressif au verbe splendide qui rappelle la diction des grands anciens. Sous son emprise, la délicate Lakmé de Sabine Devieilhe n’accentue pas l’éclat pyrotechnique qui a fait la renommée du rôle. Ses vocalises sont précises et justes jusqu’au contre-mi, mais le principal est ailleurs comme la soprano l’a parfaitement compris. Dans les couleurs subtiles et les nuances toujours changeantes d’un amour qui éclot comme une fleur fugace et qui culmine dans Tu m’as donné le plus doux rêve.
Face à elle, le Gérald de Frédéric Antoun se montre bon acteur. L’emploi semble d’apparence simple mais il faut rappeler que son créateur était aussi celui d’Hoffmann, de Des Grieux et de Samson. Le souffle manque ce soir au chanteur, et les aigus en deviennent tendus, les couleurs raréfiées. Le reste de la distribution n’apporte que des satisfactions, en particulier l’émouvant Hadji de François Rougier et la drolatique Miss Bentson de Mireille Delunsch.
Par rapport à son Fidelio de la saison dernière, le chef Raphaël Pichon semble avoir enfin domestiqué l’acoustique des lieux. L’équilibre fosse-plateau sonne idéal, et les timbres parfois verts de son ensemble servent finalement bien une partition très française qui refuse la curiosité orientaliste. Chef de chant admirable, il accompagne au plus près les protagonistes jusque dans les moindres variations. Enfin, le chœur se distingue par une diction exemplaire et une présence qui n’a rien de frugal.
Diffusion en direct sur Arte Concert le 6 octobre Ă 20h.
Diffusion sur France Musique le 22 octobre Ă 20h.
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Opéra Comique - Salle Favart, Paris Le 28/09/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Nouvelle production de Lakmé de Delibes dans une mise en scène de Laurent Pelly et sous la direction de Raphaël Pichon à l’Opéra Comique, Paris. | Leo Delibes (1836-1891)
Lakmé, opéra-comique en trois actes (1883)
Livret d’Edmond Gondinet et Philippe Gille
Pygmalion
direction : Raphaël Pichon
mise en scène et costumes: Laurent Pelly
décors : Camille Dugas
éclairages : Joël Adam
Avec :
Sabine Devieilhe (Lakmé), Frédéric Antoun (Gérald), Ambroisine Bré (Malika), Stéphane Degout (Nilakantha), Philippe Estèphe (Frédéric), Elisabeth Boudreault (Ellen), Marielou Jacquard (Rose), Mireille Delunsch (Mistress Bentson), François Rougier (Hadji), François-Olivier Jean (un Domben), Guillaume Gutiérrez (un marchand chinois), et René Ramos Premier (un Kouravar). | |
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