|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
|
Nouvelle production de Salomé de Strauss dans une mise en scène de Lydia Steier et sous la direction de Simone Young à l’Opéra national de Paris.
Salomé rouge sang
De son propre aveu, Lydia Steier se saisit de Salomé pour témoigner « de la dernière phase du capitalisme ». Une vision sombre et violente qui manque son but à cause d’une surcharge datée. Dans la fosse, Simone Young touche aux équilibres d’une partition qu’on aime plus subtile. Dans ce contexte, la distribution valeureuse n’en a que plus de mérite.
|
|
Lutte des classes
Petits bonheurs au purgatoire
Folle Ă©quipe
[ Tous les concerts ]
|
Pour la première nouvelle production de cette saison, Alexander Neef a choisi la metteuse en scène Lydia Steier. Dans une vidéo publiée cet été, l’Américaine revendiquait le recours au divertissement et la lecture d’une Salomé moraliste et révolutionnaire provoquant l’effondrement de cette société de dégénérés qu’est la cour d’Hérode avec la seule bombe à sa disposition, la tête de Iokanaan. Exit le contexte biblique. Soit. Il nous appartient moins de juger de l’opportunité de tels choix que du succès de l’entreprise.
Le rideau s’ouvre sur un décor très réussi, d’une beauté lugubre donnant à voir les soubassements du palais et en hauteur une baie vitrée permettant de suivre l’orgie monstrueuse en cours. D’un long et étroit escalier descendent régulièrement les corps sans vie des suppliciés démembrés qui sont ensuite jetés par des sbires en combinaison étanches dans une fosse. Cette action vient perpétuellement en contrepoint de l’action que l’on connaît montrant Salomé se mettant à désirer le prophète. Une valse incongrue réunit un temps les soldats aux fossoyeurs. Elle relève sans doute du détail.
On a plus de mal pendant la Danse des sept voiles à voir les juifs religieux rejoindre la tournante à laquelle se soumet Salomé pour obtenir ce qu’elle veut. Les violences sexuelles qu’elle subit sont de la roupie de sansonnet vu ce qui précède. Leur stylisation inévitable n’en apparaît que plus grotesque. Le comble est atteint dans la scène finale où le personnage est dédoublé entre une figurante rampante et la chanteuse ensanglantée qui entre dans la cage s’élevant dans une vision mièvre du couple Iokanaan-Salomé, comme si la musique ne suffisait pas. À tous ces ajouts, à ce manque de confiance de la scène répond une tension irrespirable venue de la fosse.
Simone Young surligne une partition qui ne le nécessite nullement. Une emphase dynamique qui brûle rapidement ses cartouches tout en ignorant la nature sensuelle de cette musique. L’orgue utilisé dans la scène finale n’a jamais été aussi sonore mais on se demande à quelle fin obéit ce déséquilibre manifeste. Sur le plateau dans un espace sonore contraint et au milieu de trop nombreux figurants nuisant à la lisibilité de l’action, les chanteurs font de leur mieux.
Elza van den Heever qui n’a pas tout à fait la tessiture du rôle montre une Salomé d’abord glaciale puis volcanique une fois sa bombe lancée. La projection de sa voix est stupéfiante dans ce contexte. Face à elle, le Iokanaan de Iain Paterson trouve les seuls accents touchants de la soirée. John Daszak cherche quelque peu à voler la vedette mais son Hérode outrancier à souhait est ici un ressort fondamental. Une Salomé légendaire, Karita Mattila, semble beaucoup s’amuser de son Hérodiade poitrine nue. Le reste de la distribution est tout à fait satisfaisant.
| | |
|
Opéra Bastille, Paris Le 15/10/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Nouvelle production de Salomé de Strauss dans une mise en scène de Lydia Steier et sous la direction de Simone Young à l’Opéra national de Paris. | Richard Strauss (1864-1949)
Salomé, opéra en un acte (1905)
Livret du compositeur d’après Oscar Wilde dans une traduction allemande de Hedwig Lachmann
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Simone Young
mise en scène : Lydia Steier
décors et vidéo : Momme Hinrichs
costumes : Andy besuch
Ă©clairages : Olaf Freese
Avec :
Elza van den Heever (Salomé), John Daszak (Hérode), Karita Mattila (Hérodias), Iain Paterson (Iokanaan), Tansel Akzeybek (Narraboth), Katharina Magiera (Page), Matthäus Schmidlechner (premier juif), Éric huchet (deuxième juif), Maciej Kwaśnikowski (troisième juif), Mathias Vidal (quatrième juif), Sava Vermić (cinquième juif), Luke Stoker (premier nazaréen), Yiogos Ioannou (second nazaréen), Dominic Barberi (premier soldat), Bastian Thomas Kohl (second soldat), Alejandro Baliñas Vieites (un cappadocien) et Marion Grange (une esclave). | |
| |
| | |
|