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CRITIQUES DE CONCERTS |
16 octobre 2024 |
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Récital du pianiste Leif Ove Andsnes au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
La tentation nationale
Leif Ove Andsnes présente un programme opposant un jeu plus qu’austère pour deux sonates de Beethoven à une évocation pleine de saveurs des Impressions poétiques de Dvořák. Visiblement très affecté par la guerre en Ukraine, le pianiste norvégien trouve réconfort et inspiration dans les musiques des écoles nationales.
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Les premiers accords de la Sonate Pathétique annoncent la couleur, ou plutôt sa raréfaction. Comme dans ses Mozart récents, Leif Ove Andsnes joue d’une palette très économe, et restreint l’ambitus dynamique et métronomique de son clavier. Point de tempête et une narration qui s’estompe dans l’abstraction, on est très loin du geste romantique puissant de cette œuvre emblématique.
La même approche convient sans doute davantage à l’Opus 110 de Beethoven. Ce jeu qui cultive l’aporie garde une clarté qui n’a rien de distanciée et souligne le caractère très unifié du chef-d’œuvre. Mais le premier mouvement chante si peu, le Molto allegro manque tant de violence et le Finale n’est pas vraiment l’envol attendu, tant et si bien que le compte n’y est pas. Au point qu’on pourrait s’inquiéter de l’art d’un artiste autrefois plus éloquent. La suite du récital va infirmer ces craintes.
Le pianiste joue les Treize impressions poétiques de Dvořák qu’il vient de faire paraître chez Sony. Un répertoire méconnu du public et négligé même par les pianistes tchèques. Le Chemin nocturne qui ouvre le cycle se pare de couleurs chaleureuses démentant la réserve précédemment observée. Andsnes déploie dans les morceaux qui suivent une narration pittoresque qui n’est pas sans rappeler celle des pièces lyriques de Grieg, à l’instar de la Danse des lutins qui évoque les trolls norvégiens.
Là où Rudolf Firkusny ou Radoslav Kvapil trouvaient une unité poétique dans le cycle, Andsnes cherche à différencier les pièces mais curieusement, cela a aussi pour effet de souligner les ritournelles comme tic de composition. Cette réserve paradoxale est largement compensée par une éloquence de tous les instants. Pour son premier bis, le pianiste prend la parole et explique qu’il tient particulièrement à jouer une pièce composée par son compatriote Harald Sæverud pendant la Seconde Guerre mondiale.
Un immense cri crescendo qui porte parfaitement son titre : Kjempeviseslåtten, en français « La ballade de la révolte ». Dans le contexte géopolitique qui est le nôtre, la violence que met Andsnes dans cette pièce plutôt que dans la première partie de soirée signifie beaucoup, comme si le pianiste trouvait davantage de ressources dans la musique des écoles nationales (il joue aussi Janáček ou Silvestrov ces derniers mois) que dans l’universalisme beethovénien. Le récital se clôt par une douloureuse mazurka de Chopin.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 16/11/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Récital du pianiste Leif Ove Andsnes au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano n° 8 en ut mineur op. 13 « Pathétique » (1799)
Sonate pour piano n° 31 en lab majeur op. 110 (1821)
AntonĂn Dvořák (1841-1904)
Treize impressions poétiques op. 85 (1889)
Leif Ove Andsnes, piano | |
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