La musique de chambre est bien Ă  sa place dans l'Auditorium du MusĂ©e d'Orsay. Elle y retrouve le caractĂšre semi-confidentiel qui est l'un de ses charmes. Peut-ĂȘtre que dans un lieu plus vaste, devant un public plus nombreux, une oeuvre comme la sonate pour alto et piano de Glinka perdrait-elle ce qui la rend si sĂ©duisante, Ă  savoir des couleurs discrĂštes, un climat pudiquement nostalgique, un lyrisme contenu.

On ne se situe pas ici dans la folie des contes traditionnels inspirant les opĂ©ras russes, mais dans l'intimitĂ© des salons de Saint Petersbourg oĂč se nouent de diffuses intrigues amoureuses et oĂč languissent les jeunes filles en quĂȘte de prĂ©tendant. La moelleuse sonoritĂ© de l'alto de Bashmet retrouve les accents des voix d'alto qui, elles aussi, exprimaient ces sentiments dans les mĂ©lodies de l'Ă©poque. En contrepoint français dans ce cycle russe, la deuxiĂšme sonate pour flĂ»te alto et harpe de Debussy, avec laquelle on quitte cet univers un peu feutrĂ© pour une mĂ©lancolie plus avouĂ©e mais aussi plus lumineuse.

Bashmet s'est entouré de deux jeunes instrumentistes de réel talent, la flûtiste Juliette Hurel et la harpiste Marie Normant. Leur union est radieuse, et de cette rare alliance de trois timbres si divers résulte une irrésistible séduction. Et puis, c'est à nouveau Bashmet que l'on retrouve tout seul avec l'excellent Mikhaïl Muntian au piano pour la magnifique sonate pour alto et piano op. 147 de Chostakovitch. De Bashmet, on admire autant la technique qui permet les sons les plus effilés et les plus charnus, les aigus les plus subtiles et les graves les plus poignants, qu'un tempérament qui s'exprime sans réserve. Bref, russe jusqu'au bout du crin.