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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Mantra de Stockhausen par Jean-François Heisser, Jean-Frédéric Neuburger et Serge Lemouton au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris.
L’art de la formule
Prévu en 2020 dans la foulée de leur enregistrement, Mantra de Stockhausen peut enfin être joué en 2023 par Jean-François Heisser et Jean-Frédéric Neuburger aux Bouffes du Nord, où l’ouvrage pour deux pianos et électronique trouve dans l’atmosphère des lieux autant que dans l’assistance électronique de Serge Lemouton un cadre idéal.
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Créé en 1970 au Festival de Donaueschingen, Mantra vient comme son nom l’indique d’une formule répétée, inspirée à Stockhausen en 1969 durant un vol vers Los Angeles. D’une heure environ, la pièce évolue en gardant systématiquement pour base la formule de douze tons plus la répétition du la initial en treizième position, afin de créer un effet de cycle.
Divisée en quinze parties, l’œuvre nécessite deux pianos l’un en face de l’autre ainsi qu’une assistance électronique, relancée sur haut-parleurs, tandis que les pianistes ont également chacun au-dessus de leur clavier une douzaine de crotales et un woodblock, ainsi qu’à leur gauche un iPad afin de créer des modulations sur les notes captées par les micros. À leur entrée en scène, Jean-François Heisser et Jean-Frédéric Neuburger se permettent une courte introduction, le maître racontant l’histoire tandis que l’élève s’attèle à présenter la formule naturelle, puis une version avec résonnances informatiques.
Après Introduction et formule (I), les Répétitions régulières (II) se développent sans que les deux musiciens aient besoin de beaucoup se regarder, maintenant très à l’aise avec une œuvre qu’ils ont réussi à jouer plusieurs fois en live en 2020 et enregistré pour Mirare, malgré des annulations ou reports dus aux confinements. Et si la main de Heisser tremble légèrement lorsqu’il se concentre pour prendre les baguettes, le geste est toujours assuré lorsqu’il s’agit de taper sur les percussions devant lui, et le doigté toujours net au clavier.
Un moment particulier se crée dans le Gruppetto autour d’une note centrale (V), très doux (jusque pppp) quand d’autres parties affichent des contrastes bien plus marqués, par exemple jusqu’au fff au Sforzando (XIII). Encore plus naturel que dans l’enregistrement, Neuburger réussit particulièrement ses attaques dans Trémolo (VI), où les batailles de notes cadencées avec l’autres pianistes rappellent certains combats d’animaux-instruments du cycle-opéra Licht du même compositeur.
Parfaitement assistée dans les modulations du son par Serge Lemouton, placé au parterre sous le balcon, l’interprétation plane jusqu’à un important apport électronique lors des Répétitions irrégulières « morse » (XI), avant que les deux pianistes se lèvent pour hurler leurs propres formules pendant Trille (XII). La très dynamique avant-dernière partie et son Lien en arpège (XIV) montre à quelle célérité peut se développer le jeu des deux pianistes, avant une ultime Reprise de la formule (XV), à la manière de l’Aria des Variations Goldberg, suivie d’applaudissements.
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Théâtre des Bouffes du Nord, Paris Le 16/01/2023 Vincent GUILLEMIN |
| Mantra de Stockhausen par Jean-François Heisser, Jean-Frédéric Neuburger et Serge Lemouton au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris. | Karlheinz Stockhausen (1928-2007)
Mantra pour deux pianos et Ă©lectronique
Jean-François Heisser, piano
Jean-Frédéric Neuburger, piano
Serge Lemouton, Ă©lectronique | |
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